Festival de Cannes 2024 : "Les Graines du figuier sauvage", le splendide thriller familial et politique de Mohammad Rasoulof fait événement

Condamné à huit ans de prison début mai en Iran, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a fui son pays en mai, et son nouveau film a reçu le prix du Jury au dernier Festival de Cannes.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Missagh Zareh et Soheila Golestani dans "Les Graines du figuier sauvage" de Mohammad Rasoulof (2024). (RUN WAY PICTURES)

Condamné à huit ans de prison début mai en Iran, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof a fui son pays en mai, et son nouveau film a reçu le prix du Jury au dernier Festival de Cannes.

Si cinéma et politique font souvent sens commun, Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof fait événement. Il est rare qu'un film de près de trois heures tienne en haleine en continu de bout en bout avec autant de verve, de relances et de talent, tout en faisant preuve d'une telle ascèse. C'est tout l'art de réalisateur, de metteur en scène et de scénariste qui auréole ce qui s'avère être un des meilleurs films de cette année 2024.

Cinéaste iranien dissident comme ses confrères et comptriotes Jafar Panahi et Mostafa Aleahmad, Mostafa Aleahmad, réalise un film à charge contre le régime iranien à travers le récit d’un futur juge d'instruction dont l’arme de service a disparu.

Une arme disparaît

Mohammad Rasoulof démontre un art du récit constamment renouvelé, pourtant réduit à une famille - un couple et leurs deux filles (adolescente et jeune adulte) -, sans acteurs connus. Ils portent une histoire simple et édifiante, prétexte à une critique subtile du régime iranien.

Alors que Téhéran vit une période de crise politique, sociale et de manifestations, Iman est nommé enquêteur au tribunal révolutionnaire de Téhéran, la voie royale menant à sa vocation de juge d’instruction. Désabusé, ayant à multiplier des condamnations à mort non instruites, Iman perd son arme de service. Ses soupçons se portent sur sa femme et ses filles qui vont subir sa loi de plus en plus vindicative.

Du scope, au portable

À travers cette histoire anecdotique, Mohammad Rasoulof filme une métaphore du contexte sociopolitique iranien. Le régime de Téhéran, aujourd’hui déstabilisé par le décès récent du président iranien Ebrahim Raïssi, est depuis la mort de Jina Mahsa Amini secoué par le mouvement "Femme, Vie, Liberté !", né au Kurdistan et répandu dans l’Iran entière depuis 1992. Filmé en scope (écran large), Les Graines du figuier sauvage est entrecoupé d’images de manifestations, de violences policières et d’arrestations musclées, tournées au portable par Rasoulof, qui apportent une réalité sidérante au film.

On comprend que Les Graines du figuier sauvage déplaise aux mollahs, et que Mohammad Rasoulof soit l’homme à abattre. S’il ne suffit pas d’un film pour changer le monde, Mohammad Rasoulof appuie là où ça fait mal, avec un art de la dramaturgie qui passionne comme un thriller. Autant de critères, artistiques et idéologiques, qui font des Graines du figuier sauvage une œuvre majeure, qui s’ajoute au palmarès déjà bien rempli de son réalisateur.

La fiche

Genre : Drame / Thriller
Réalisateur : Mohammad Rasoulof
Acteurs : Soheila Golestani, Setareh Maleki, Missagh Zareh, Mahsa Rostami
Pays : Iran / France / Allemagne
Durée : 2h48
Sortie : 18 septembre 2024
Distributeur : Pyramide Distribution
Synopsis : Dans un Téhéran secoué par des troubles politiques et sociaux. Le juge d'instruction Iman découvre que son arme a disparu, il soupçonne sa femme et ses filles, imposant des mesures draconiennes qui mettent à rude épreuve les liens familiaux.

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