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Au cinéma, laissez vos enfants se faire peur, c'est pour leur bien !

Zombies, fantômes, sorcières… Dans "L'Etrange Pouvoir de Norman", qui sort mercredi, les enfants explorent l'au-delà mais aussi leurs peurs enfouies.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'Etrange Pouvoir de Norman sort sur les écrans français le 22 août 2012. (AP / SIPA )

CINEMA - Un frisson parcourt les salles obscures. Avec L'Etrange Pouvoir de Norman, qui sort au cinéma mercredi 22 août, Universal et les studios Laika (à l'origine du très remarqué Coraline en 2009), font dans le gore familial. On y suit les aventures de Norman, un gamin porté sur le glauque et qui, non content de parler aux morts, s'entend mieux avec eux qu'avec les vivants. Confronté à une invasion de zombies (encore !), le garçon va devoir sauver sa ville d'une malédiction ancestrale. 

La cible de ce conte effrayant ? Tous, en particulier les enfants qui, dès 7 ans, méritent bien qu'on leur serve monstres et zombies entre deux BN. FTVi s'est demandé pourquoi la frousse au cinéma n'était pas le privilège des grands.

Parce que la peur est partout

Psychologue clinicienne, Sabine Broddes a étudié le dessin animé d'un point de vue psychanalytique et publié D'Œdipe Roi au Roi Lion : psychanalyse et dessins animés (Buenos Books, 2011). "La peur est structurante", résume-t-elle à FTVi. "Après le stade de l'angoisse du 8e mois, où le nourrisson réalise qu'il est dissocié de sa mère, le sentiment de peur fait son apparition." Et, en grandissant, "il va le rechercher", explique la spécialiste.

Elle a vu nombre d'adultes raconter, vingt ans après, sur son divan, la scène d'un film d'horreur vu petit, en cachette. D'ailleurs, pas besoin d'aller jusqu'à montrer Paranormal Activity ou L'Exorciste à des enfants de 5 ans pour les empêcher de dormir la nuit. La mort de la mère dans L'Ours (1988), de Jean-Jacques Annaud ? "Elle a fait hurler mon fils dans le cinéma", se souvient Sabine Broddes. 

"Dans tous les films pour enfants, même du temps de Blanche Neige ou de Bambi, il se passe des choses effrayantes", confirme David Honnorat, rédacteur en chef du site spécialisé Vodkaster. Sa première terreur sur grand écran : l'attaque du grizzly dans le dessin animé Rox et Rouky.

Parce que vous veillez au grain

Mais au cinéma comme à la télévision, les parents doivent veiller à ne pas exposer leurs enfants à "des peurs qui les dépassent et pour lesquelles ils ne sont pas prêts", dit Sabine Broddes. Néanmoins, si le cas se présente, les adultes doivent "expliquer, rassurer, quitte à dire que ce n'est que du cinéma", poursuit la psychologue clinicienne.

"Les adultes jouent un rôle que Freud a qualifié de 'pare-excitation', explique-t-elle. Cela signifie qu'ils sont capables de dire quand c'est trop, expliquer à un enfant que ce n'est pas de son âge. Si la peur est trop grande, elle devient un petit traumatisme." 

Parce que les fées n'ont plus le monopole du conte

Comment expliquer, alors, que les codes de l'horreur viennent, avec Norman et Tim Burton avant lui, combler les petits cinéphiles ? En tant que critique, David Honnorat salue l'habileté du mélange des genres. Il estime que L'Etrange Pouvoir de Norman a réussi son "pari narratif" qui consiste "à mélanger les codes du conte et ceux du film de zombies, traditionnellement réservé aux adultes". Les spectateurs ont d'ailleurs crédité le film de 88% d'avis positifs sur le site spécialisé Rotten Tomatoes (en anglais)

Aussi dégoûtants soient-ils, zombies, fantômes et sorcières se frayent très tôt un chemin dans l'imaginaire des petits. "Les enfants sont davantage exposés aux images et, contrairement à la génération Blanche Neige, ils ont intégré le mythe du zombie, lequel a aussi perdu de son côté effrayant", juge David Honnorat. Pour lui, pimenter ainsi le conte traditionnel s'impose, ne serait-ce que pour éviter l'ennui.

Parce que les monstres font grandir

Zombies ou croquemitaines "servent à apprivoiser la peur", explique Sabine Broddes. "De 4 à 7 ans, les cauchemars et fantasmes tels que les loups ou les fantômes traduisent un retour de culpabilité. Concrètement, ces monstres incarnent le mauvais que l'on a en nous, que l'on projette à l'extérieur et qui revient la nuit comme un boomerang. Il y a donc toujours un méchant dans les dessins animés, comme cette partie de nous qu'il faut apprivoiser." 

Le rôle pédagogique de la peur, "c'est tout le propos de Monstres et Cie", juge David Honnorat. Le film montre que dépasser sa peur, c'est en fait une manière de grandir. Quand l'enfant n'a plus peur, ça veut dire que le monstre a achevé sa mission et peut aller s'occuper d'un enfant plus jeune." 

Parce que le morbide a fait ses preuves

Et la mort dans tout ça ? Le sujet est-il toujours aussi choquant qu'à l'époque de Bambi ou du Roi Lion, des histoires d'orphelins ? "Hormis pour un enfant qui aurait vécu ce traumatisme et ne l'aurait pas dépassé, cette mort symbolique à l'écran n'est pas traumatisante. Les enfants vivent avec cette peur en permanence", explique Sabine Broddes. L'univers macabre des productions récentes, de Tim Burton à Norman, s'aventure davantage dans un au-delà imaginaire "dont les enfants n'ont pas peur". Confirmant ainsi que le fantôme, qu'on sait gentil depuis Casper, a sa place dans la fiction jeunesse.

Pourtant, quand Tim Burton réalise le court-métrage Vincent (1982), son employeur de l'époque n'accroche pas à cet univers lugubre. "Tim Burton a été plus ou moins écarté de Disney à cause de son style jugé trop torturé par le studio", rappelle David Honnorat. "Avant d'être finalement réintégré pour faire précisément ce qu'on lui avait reproché à l'époque." En faisant danser des squelettes (L'Etrange Noël de monsieur Jack) et en mariant des fantômes (Noces Funèbres), Tim Burton a fait de l'au-delà un univers à part entière. Dans son prochain film d'animation, Frankenweenie, il adapte d'ailleurs le mythe de Frankenstein avec un petit garçon qui ressuscite son chien. 

Parce que le message est positif 

Dans le monde de Norman, les fantômes ne sont pas méchants. "La mort sert davantage de prétexte pour illustrer la différence", souligne le fondateur de Vodkaster. "Ce n'est que lorsqu'il est confronté aux zombies, plus tard dans le film, qu'il va devoir se dépasser, faire face à un environnement familial qui le met à l'écart et montrer de quoi il est capable. L'enjeu de sa quête initiatique est là", poursuit-il.

Comme l'enfer, L'Etrange Pouvoir de Norman est donc pavé de bonnes intentions. Et, de toute façon, lorsqu'on s'adresse à un jeune public, "l'idée principale reste que le bien triomphe du mal", conclut Sabine Broddes. 

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