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"Le grand secret" ou l’histoire cachée d’un scoop : la reddition de l’Allemagne en 1945
Le monde entier a appris dès le 7 mai 1945 la reddition de l’Allemagne à Reims. Un joli coup journalistique mais qui a valu à son auteur, Edward Kennedy, d’être renvoyé : l’information était sous embargo et ne devait être connue que le lendemain. Qui avait intérêt à ce qu'elle ne soit pas publiée ? C’est ce que racontera "Le grand secret" diffusé par France 3 Champagne-Ardenne le 2 mai prochain.
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Temps de lecture : 5min
Reportage : Marie-Line Fournier, Philippe Mercier et Christiane Sgorlon
Quand elle pénètre dans "la petite école de briques rouges" comme l’appellent les Américains, cette école où fut signée la reddition allemande en 1945, Julia Kennedy-Cochran, est bouleversée par l’émotion. Elle vient d'accéder au lieu qui a valu à son père sa vie de modeste journaliste localier, lui qui pouvait prétendre à la plus grande des notoriétés de la profession, celle des Franck Capa, Bob Woodward, Carl Bernstein ou des Albert Londres en France.
C’est elle qui est l’héroïne du "Grand Secret", le documentaire réalisé par Christophe Rémy qui sera diffusé le 2 mai 2015 sur France 3 Champagne-Ardenne. Comme son père, Julia Kennedy-Cochran est journaliste (Associated Press, Reuters, Businesss Week). Depuis qu’elle est à la retraite, elle consacre l’essentiel de son temps à marcher sur les traces de son père. Que s’est-il passé les 5, 6 et 7 mai 1945 ?
C’est la question qui mène désormais la vie de Julia Kennedy-Cochran.
Chez elle, dans l’Oregon, elle a accumulé des documents mais surtout des notes : les mémoires de son père dont elle va faire un livre. Sa démarche est à la fois historique et psychologique : elle cherche à refermer cette blessure qui ne la quitte pas depuis l’enfance. Quelle faute son père a-t-il commise pour être ainsi renvoyé de son agence et voir sa vie professionnelle ruinée alors qu’il venait de publier l’un des scoops les plus importants de l’histoire du journalisme au XXe siècle? Témoin de la reddition
Nous sommes le 7 mai 1945. Le quartier général des Forces Expéditionnaires Alliées en Europe (SHAEF ) est installé Reims. Correspondant de guerre pour l’Associated Press, Edward Kennedy s’y trouve aussi.
A 2h41 du matin, il assiste à la reddition sans conditions de l’Allemagne. Il est l’un des 17 témoins oculaires qui assistent à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président américain Harry Truman s’entendent pour ne pas parler de cet évènement considérable afin de permettre à Staline, furieux que les Allemands se soient rendus à Reims, d'organiser une seconde cérémonie à Berlin. Faire plaisir à Staline
Staline était en réalité révolté qu'un délai ait été accordé à la Wehrmacht pour lui permettre de gagner les zones occidentales sans se faire prendre par l'Armée Rouge. Le dictateur soviétique, pour des raisons évidentes de propagande, voulait que la capitulation ait lieu à l'Est, prétextant qu'avec plus de vingt-cinq millions de morts, l'U.R.S.S. avait porté sur ses épaules le poids le plus lourd de toute la guerre.
Ayant accepté cette condition "stalinienne", Churchill et Truman prolongent finalement l'embargo sur l'information de 36 heures, jusqu'au 8 mai, 15h. Casser l'embargo
Témoin de la capitulation, Edward Kennedy, trouve "absurde d'essayer de retenir une information d'une telle importance", comme il l'écrit plus tard. Mais le 7 mai à 14h03, une radio allemande qui n’est évidemment pas dans la confidence, annonce la capitalution. Furieux, Kennedy va voir le chef de la censure américaine mais ce dernier ne cède pas. Le journaliste rumine pendant un quart d'heure avant de se décider. Utilisant un téléphone militaire non surveillé, il appelle le bureau de l'Associated Press à Londres, qui diffuse l'information quelques minutes plus tard: l'Allemagne a capitulé.
Pour certains de ses confrères qui n’osent pas casser l’embargo, c’est une trahison. Arrêté et expulsé
Les sanctions tombent : arrêté sur le champ, Edward Kennedy est expulsé de France par l'armée. Le 10 mai, le président de l'Associated Press, Robert McLean, présente des excuses officielles aux autorités pour avoir violé l'embargo et le journaliste est mis à la porte pour avoir trahi l'engagement qu'il avait pris envers sa source. Il terminera sa carrière au "Monterey Peninsula Herald", un petit quotidien local. Non sans avoir été tardivement réhabilité.
Soixante-sept ans après les faits, Tom Curley, le patron de l'Associated Press, présentera des excuses à Julia Kennedy-Cochran. C’est mieux que rien mais sans doute très largement insuffisant. Des questions encore sans réponse
L’histoire du "Grand secret" est passionnante. Mais aujourd’hui, souligne Christophe Rémy, le réalisateur, des questions apparaissent : Edward Kennedy n’était pas n’importe qui. Il était le chef de l’agence parisienne (depuis août 1945) d’Associated Press. Pas un simple correspondant de guerre. De plus, il connaissait Eisenhower, le commandant suprême des forces alliées. Il était donc capable de mesurer l’impact d’une information telle que celle qu’il détenait. L’on sait aussi que le général Eisenhower était opposé à une signature de la capitulation à Berlin qui donnerait la part belle à Staline. Alors, Edward Kennedy a-t-il eu le feu vert pour diffuser l’annonce de la reddition malgré l’embargo ? A-t-il agi de son propre chef ?
Réponse le 2 mai 2015 sur France 3 Champagne-Ardenne.
C’est elle qui est l’héroïne du "Grand Secret", le documentaire réalisé par Christophe Rémy qui sera diffusé le 2 mai 2015 sur France 3 Champagne-Ardenne. Comme son père, Julia Kennedy-Cochran est journaliste (Associated Press, Reuters, Businesss Week). Depuis qu’elle est à la retraite, elle consacre l’essentiel de son temps à marcher sur les traces de son père. Que s’est-il passé les 5, 6 et 7 mai 1945 ?
C’est la question qui mène désormais la vie de Julia Kennedy-Cochran.
Chez elle, dans l’Oregon, elle a accumulé des documents mais surtout des notes : les mémoires de son père dont elle va faire un livre. Sa démarche est à la fois historique et psychologique : elle cherche à refermer cette blessure qui ne la quitte pas depuis l’enfance. Quelle faute son père a-t-il commise pour être ainsi renvoyé de son agence et voir sa vie professionnelle ruinée alors qu’il venait de publier l’un des scoops les plus importants de l’histoire du journalisme au XXe siècle? Témoin de la reddition
Nous sommes le 7 mai 1945. Le quartier général des Forces Expéditionnaires Alliées en Europe (SHAEF ) est installé Reims. Correspondant de guerre pour l’Associated Press, Edward Kennedy s’y trouve aussi.
A 2h41 du matin, il assiste à la reddition sans conditions de l’Allemagne. Il est l’un des 17 témoins oculaires qui assistent à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président américain Harry Truman s’entendent pour ne pas parler de cet évènement considérable afin de permettre à Staline, furieux que les Allemands se soient rendus à Reims, d'organiser une seconde cérémonie à Berlin. Faire plaisir à Staline
Staline était en réalité révolté qu'un délai ait été accordé à la Wehrmacht pour lui permettre de gagner les zones occidentales sans se faire prendre par l'Armée Rouge. Le dictateur soviétique, pour des raisons évidentes de propagande, voulait que la capitulation ait lieu à l'Est, prétextant qu'avec plus de vingt-cinq millions de morts, l'U.R.S.S. avait porté sur ses épaules le poids le plus lourd de toute la guerre.
Ayant accepté cette condition "stalinienne", Churchill et Truman prolongent finalement l'embargo sur l'information de 36 heures, jusqu'au 8 mai, 15h. Casser l'embargo
Témoin de la capitulation, Edward Kennedy, trouve "absurde d'essayer de retenir une information d'une telle importance", comme il l'écrit plus tard. Mais le 7 mai à 14h03, une radio allemande qui n’est évidemment pas dans la confidence, annonce la capitalution. Furieux, Kennedy va voir le chef de la censure américaine mais ce dernier ne cède pas. Le journaliste rumine pendant un quart d'heure avant de se décider. Utilisant un téléphone militaire non surveillé, il appelle le bureau de l'Associated Press à Londres, qui diffuse l'information quelques minutes plus tard: l'Allemagne a capitulé.
Pour certains de ses confrères qui n’osent pas casser l’embargo, c’est une trahison. Arrêté et expulsé
Les sanctions tombent : arrêté sur le champ, Edward Kennedy est expulsé de France par l'armée. Le 10 mai, le président de l'Associated Press, Robert McLean, présente des excuses officielles aux autorités pour avoir violé l'embargo et le journaliste est mis à la porte pour avoir trahi l'engagement qu'il avait pris envers sa source. Il terminera sa carrière au "Monterey Peninsula Herald", un petit quotidien local. Non sans avoir été tardivement réhabilité.
Soixante-sept ans après les faits, Tom Curley, le patron de l'Associated Press, présentera des excuses à Julia Kennedy-Cochran. C’est mieux que rien mais sans doute très largement insuffisant. Des questions encore sans réponse
L’histoire du "Grand secret" est passionnante. Mais aujourd’hui, souligne Christophe Rémy, le réalisateur, des questions apparaissent : Edward Kennedy n’était pas n’importe qui. Il était le chef de l’agence parisienne (depuis août 1945) d’Associated Press. Pas un simple correspondant de guerre. De plus, il connaissait Eisenhower, le commandant suprême des forces alliées. Il était donc capable de mesurer l’impact d’une information telle que celle qu’il détenait. L’on sait aussi que le général Eisenhower était opposé à une signature de la capitulation à Berlin qui donnerait la part belle à Staline. Alors, Edward Kennedy a-t-il eu le feu vert pour diffuser l’annonce de la reddition malgré l’embargo ? A-t-il agi de son propre chef ?
Réponse le 2 mai 2015 sur France 3 Champagne-Ardenne.
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