Deux films sur PSA Sochaux éclairent le présent
Diffusés lundi soir dans le cadre d'un colloque consacré à "la classe ouvrière en représentation", en marge du festival "Filmer le travail" à Poitiers, les deux films, "Avec le sang des autres" de Bruno Muel (1974) et "Sochaux, cadences en chaîne" de Laurence Jourdan (2010), donnent la parole à l'ouvrier Christian Corouge, présent lors de la projection.
Dans le premier film, il témoigne déjà de l'usure des corps liée au travail à la chaîne: "ce qui est dur en fin de compte c'est d'avoir un métier dans les mains. (...) J'ai mal aux mains, ils ont bouffé les mains", dit-il. "C'est dur la chaîne (...) c'est de la survie qu'on fait". Qu'est-ce qui a changé en 35 ans ? L'intérim et la précarité
Si le film de Bruno Muel montre notamment la violence des conflits sociaux et des luttes syndicales intestines, il semble au fond moins désespéré que le second, M.Corouge y voyant l'illustration que les ouvriers espéraient encore à l'époque "pouvoir changer le monde".
Entré à l'usine à 17 ans et demi et adhérent à la CGT trois jours après par "tradition familiale", Christian Corouge relève notamment qu'entre les deux films, "le problème du chômage est tombé", engendrant l'arrivée en masse des intérimaires sur les chaînes de montage, obligés d'accepter "ces mauvaises conditions de travail" pour voir leur contrat renouvelé.
"Ils sont tellement contents d'avoir un job qu'ils souffrent en silence. Ce n'est pas simple pour les syndicalistes", dit l'ouvrier, auteur avec le sociologue Michel Pialoux, d'un livre d'entretien "Résister à la chaîne".
"Dans les années 74, on avait tous des CDI donc les moyens de lutter étaient quand même différents", dit-il, ajoutant qu'à l'école, on nous apprenait que "devant un patron, il faut être unis, il faut se syndiquer".
Un bon salarié est-il un robot ?
Le film de Laurence Jourdan, qui superpose images d'archives et scènes tournées dans l'usine aujourd'hui avec les témoignages des ouvriers, montre aussi comment la nature même du travail a changé, notamment avec la mise en place du "lean management", un procédé venu du Japon, visant à réduire le gaspillage.
Outre la réduction constante des effectifs, on a "rogné sur les petits temps de déplacement qu'avaient les gars", dit M. Corouge, sur fond d'images de la chaîne. "On fait tout pour que le salarié sur la ligne de montage soit un robot, ne se déplace plus", témoigne Alain Seften (FO), un autre relevant que "les salariés travaillent quasiment l'un sur l'autre".
Or, relève Christian Corouge, ces "quelques secondes" sont "importantes pour la survie" parce que "l'homme a besoin de contacts humains".
"Sochaux, cadences en chaîne", diffusé le 15 décembre dernier sur France 5, s'ouvre sur des images de Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA s'adressant à l'association des retraités de l'usine en novembre 2009. Il évoque la "crise effroyable" qui a frappé le secteur en 2008, et affirme qu'elle "n'est plus aussi violente" et que "le sourire commence à remonter". Les retraités dansent alors au son de la chanson d'Henri Salvador "Le travail, c'est la santé".
Quatre ans après, le premier constructeur français cherche à supprimer plus de 11.000 postes d'ici 2014 ce qui a provoqué un forte mobilisation sociale au sein du groupe.
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