"Demain", "Merci patron !" : le cinéma engagé a trouvé son public en 2016
Lancé via une campagne de financement participatif, "Demain", cosigné par la comédienne Mélanie Laurent et Cyril Dion, ancien responsable du mouvement Colibris cofondé avec l'agroécologiste Pierre Rabhi, a triomphé cette année. Sorti en décembre 2015 et récompensé par le César du meilleur documentaire, il a réuni 1,1 million de spectateurs, un score inhabituel pour un film sur l'écologie (167.000 entrées pour "Home" de Yann Arthus-Bertrand).
Une autre façon de raconter l'avenir
Le film, qui ne s'attarde pas sur des constats alarmants, présente de manière positive des initiatives locales (agriculture biologique, énergies renouvelables, recyclage des déchets, démocratie participative, éducation...). "On avait envisagé "Demain" comme une autre façon de raconter l'avenir et comme un projet auquel on puisse commencer à réfléchir pour changer la société", souligne Cyril Dion. "Les gens disent que ça leur redonne de l'espoir". "Ils ont envie de croire à un monde meilleur, un monde d'initiatives", à "quelque chose qui n'est pas un repli sur soi", renchérit Stéphane Célérier, président de Mars Films, le distributeur du film.Dans un autre registre, "Merci patron !", documentaire insolent du journaliste François Ruffin qui égratigne le géant du luxe LVMH et son PDG Bernard Arnault, a lui franchi étonnamment la barre des 500.000 entrées. Sorti en février, il raconte le combat d'un couple d'anciens ouvriers du groupe LVMH parvenu, avec l'aide du réalisateur, à soutirer de l'argent à Bernard Arnault. Ce film au budget modeste de 40.000 euros et à la promotion limitée, a fait mouche, porté par un humour railleur dénonçant l'hypocrisie de certains grands patrons et les conséquences des délocalisations. "Je me disais que le film pouvait marcher parce qu'on traverse une période morose", explique à l'AFP François Ruffin, à l'origine du mouvement Nuit debout, dont l'une des modèles est Michael Moore.
Des perspectives d'action
"Le point commun entre "Demain" et "Merci Patron !", c'est qu'il y a des perspectives d'action, même si elles ne sont pas du tout de la même nature", analyse-t-il. "Politiquement, la dénonciation ne marche plus. Il faut proposer de la transformation". Ces deux films "sont des actes citoyens qui ont trouvé leur public. Il y avait quelque chose de citoyen dans le fait d'aller les voir, ce n'était pas simplement un acte de divertissement ou de pure cinéphilie", estime Stéphane Célérier.Pour le sociologue du cinéma Emmanuel Ethis, ces documentaires "sont créateurs d'empathie, de lien et de sentiment collectif". "C'est ça aussi qui crée de nouveaux publics", dit-il. "Ils répondent à une attente réelle". "La question que beaucoup de gens ont à l'esprit quand ils regardent "Merci patron !", c'est : comment on inverse la vapeur dans la société actuelle ?", estime de son côté le philosophe Emmanuel Barot, auteur d'un livre sur le cinéma politique et militant.
Des films boostés par la crise
Dans une année marquée par ces succès, la Palme d'or du Festival de Cannes est, elle, revenue à "Moi, Daniel Blake" du très engagé Ken Loach, sur le parcours d'un chômeur pour obtenir ses allocations. Le film a rassemblé 890.649 spectateurs en salles, le signe qu'"il y a beaucoup de gens qui sont victimes de la crise et essaient de se raccrocher à des oeuvres dans lesquelles on dénonce l'injustice", observe Stéphane Célérier.A une autre échelle, le documentaire "La Sociale", hommage revigorant à la Sécu, a étonné en approchant des 60.000 entrées depuis début novembre, porté là aussi par le bouche-à-oreille. Fort de ce succès, son réalisateur Gilles Perret a envoyé un DVD du film à François Fillon.
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