Cannes 2018 : "La traversée", 50 ans après mai 68 Daniel Cohn-Bendit prend le pouls de la France
Au fil des kilomètres et des 2h21 que dure le film, le duo va rencontrer des sidérurgistes dans l’enfer de leur usine, des ouvriers dans leur scop de crème glacée, un prêtre, des détenus (à visage découvert, ça change), une famille d’agriculteurs, des migrants, des associations et des citoyens qui les aident, des religieux musulmans, des chômeurs, des infirmières, des étudiants… Plutôt que les assommer de questions, Daniel Cohn-Bendit discute avec eux à bâtons rompus n’hésitant pas, parfois à prendre un ouvrier dans ses bras, ému à l’issue de la rencontre. Mais parmi ces anonymes (personne n’est jamais identifié, sans doute pour éviter l’effet "magazine de télé"), les deux compères glissent quelques interlocuteurs connus. José Bové, Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, Robert Ménard, l’ancien gauchiste ancien compagnon de lutte passé à l’extrême-droite, et aussi le président de la République à qui Romain Goupil pose d’entrée et sans tergiverser la question du traitement des migrants.
C’est la grande force de DCB : alors que tout le monde connaît ses engagements, face à son interlocuteur, quel qu’il soit, il ne représente jamais que lui-même. Et quand il monte dans une voiture de police pour accompagner une patrouille dans Paris, on ne peut s’empêcher de penser avec un petit sourire que c’est le même homme que tous les flics de 68 recherchaient partout en France. Cohn-Bendit, c’est aussi celui qui, spontanément, en visite dans une classe se pose à côté du seul roux de la classe…
Aujourd’hui mai 68 a 50 ans et Dany, qui n’est plus roux, 73. Avec Romain Goupil, il parle de la mort, les deux hommes tournent d’ailleurs quelques scènes qu’ils imaginent diffuser lors des obsèques de Dany. Tout cela est gai, amical, plein d’humour. Mais à l’image de l’ancien gauchiste devenu macroniste, le film, sonne peut-être le glas des utopies de mai 68, conduites avec fastes à leur dernière demeure à l’occasion de ce cinquantenaire. Un demi siècle après les événements, Daniel Cohn-Bendit a soutenu un candidat qui s’affirmait ni de droite ni de gauche. Ce road movie social et politique a été tourné dans la foulée de l’élection. Aujourd’hui la France connait une crise sociale de grande ampleur. Les conditions étaient à l’évidence réunies lors de "La traversée" de Cohn-Bendit et de Goupil, pour qu’elle éclate. Le duo devrait s’assurer que son candidat élu regardera bien le film. La France d’aujourd’hui est tout entière dedans.
La fiche
Genre : Documentaire
Réalisateur : Romain Goupil
Avec : Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil
Pays : France Durée : 2h21
Synopsis : La traversée, documentaire de 90 minutes, veut être une "mosaïque" de la France, sans "vouloir rien prouver", une observation du quotidien des Français, 50 ans après mai 1968, portée par deux de ses acteurs : Romain Goupil, leader du mouvement lycéen; et Daniel Cohn-Bendit, figure des étudiants du Quartier latin.
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