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Cannes 2018 : "Dogman", puissant drame humain signé Matteo Garrone

"Dogman", histoire d’un toiletteur pour chiens qui verse dans une spirale criminelle, signe le retour de Matteo Garrone au Festival de Cannes, trois ans après "Tale of tales". Une œuvre forte, maîtrisée et éminemment picturale. Du très beau cinéma. Avec Marcello Fonte aux mille nuances et Edoardo Pesce, si vigoureux et fragile à la fois.
Article rédigé par franceinfo - Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Marcello Fonte dans "Dogman" de Matteo Garrone
 (Greta De Lazzaris)

Une banlieue perdue et pauvre, quelque part en Italie, sans doute non loin de la mer. Dans ce quartier qui vit en micro-société, Marcello a ses habitudes, ses amis, sa place. Il est toiletteur pour chiens et son affaire marche : Marcello aime ses animaux de passage, compagnons de son quotidien. Mais son rayon de soleil est Alida, sa fille pas encore adolescente avec qui il partage sa passion de l’exploration des fonds marins. C’est pour s’offrir ses virées en mer qu’il accepte de temps à autre d’être complice des larcins (et autres méfaits de taille) de Simoncino, ancien taulard qui terrorise le quartier. Seulement un jour, la jeune brute l’entraîne dans une affaire qui va avoir pour conséquence de l’exclure définitivement du quartier.

Qui est bestial ?

Avec "Dogman", Matteo Garrone revient, dix ans après "Gomorra", à un milieu empreint de criminalité. Mais ce film n’a rien du polar ni du film de gangsters. C’est un drame, humain, qui aborde la question des choix que l'on fait et de leurs conséquences. Qu’est ce qui explique qu’un homme aussi calme, discret et bienveillant que Marcello trahisse ses proches pour un criminel de bas étage ? Garrone ausculte le fonctionnement humain dans ses extrêmes, allant jusqu’à filmer la violence la plus "bestiale". Et la confronte, plan sur plan, au comportement des animaux de Marcello, à la sensation même d’apaisement qu’ils procurent.
"Dogman" est un film puissant, profond, et brillamment réalisé. Dans une précédente vie, Garrone a été peintre. Les plans de "Dogman" sont des tableaux : non pour leur beauté plastique, même si la photographie est à souligner, conçue comme des clichés de Martin Parr, mais parce qu’ils sont d’une expressivité rare.
"Dogman" de Matteo Garrone.
 (Le Pacte)
Les paysages, d’abord, description de ce presque village aux airs de station balnéaire abandonnée ou d’un décor de western déserté : les bâtiments sont en ruine, le gris domine et pourtant une vraie vie existe. L’atmosphère de "Gomorra" n’est pas si éloignée.

Portraits saisissants

Les portraits ensuite : celui de Marcello (magnifique Marcello Fonte), visage doux et cassé à la fois, inséparable de sa voix nasillarde. Celui de Simoncino (le "petit" Simon, puissant Edoardo Pesce) mine balafrée et patibulaire, corps écrasant.
  (Le Pacte)
Et que dire des commerçants voisins de Marcello, visages aussi rassurants que ceux d’un usurier ou d’un mafieux ? Leur moralité revendiquée, leur respect des codes de bonne conduite sortent tout droit d’ailleurs de la criminalité qu’ils sont censés dénoncer… Le portrait des chiens enfin, comme des tableaux de genre du XIXe siècle français ou anglais. De ces scènes émane la tendresse, teinte d’humour, du réalisateur.

"Dogman" est une œuvre réussie, importante. Abondamment applaudie lors de la projection pour les journalistes (notamment) dans le Grand Théâtre Lumière du Palais des festivals. Connaîtra-t-elle le même succès que "Gomorra" en 2008 et "Reality" en 2012 auréolés tous deux du Grand Prix du Festival ?

LA FICHE

Genre : Drame policier
Réalisateur : Matteo Garrone
Pays : Italie
Acteurs : Adamo Dionisi, Edoardo Pesce, Marcello Fonte
Durée : 1h42
Sortie : 11 juillet 2018

Synopsis : Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce...


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