Cannes 2017, un festival sous haute surveillance
Outre les nombreuses barrières et chaînes métalliques, indépendamment des patrouilles, le signe le plus évident de l'effort sans précédent pour parer la menace terroriste sera la présence sur tous les sites les plus sensibles, comme la Croisette, d'inoffensives mais imposantes jardinières fleuries. Elles ne seront pas là pour décorer mais pour éviter l'intrusion d'un véhicule bélier. Il y en aura plus de 300 dans la ville pour empêcher un attentat jihadiste comme celui qui a fait 86 morts sur la Promenade des Anglais à Nice le soir du 14 juillet 2016, ou plus récemment, à Berlin sur un marché de Noël en décembre (12 morts), à Londres en mars (5 morts) et en Suède en avril dans la rue piétonne la plus fréquentée de Stockholm (5 morts).
Comme les années précédentes, les autorités ont eu le souci de préserver la touche glamour des lieux servant d'écrin à la fête du cinéma - palaces, plages et promenades - malgré le régime d'état d'urgence en vigueur depuis un an et demi. Suivi dans le monde entier, le festival peut constituer une cible. "Le tapis rouge sera préservé. Mais le dispositif est sensiblement renforcé à l'instar de tous les grands événements depuis le 14-Juillet. On prend en compte les nouvelles menaces et toutes les composantes, terre, air, mer", indique un dirigeant de la police nationale.
"Cette année on passe une nouvelle étape", selon le maire de Cannes
Il n'y aura pas de portiques de sécurité au pied de la mythique montée des marches, mais en amont et en aval : à partir du moment où on s'approchera d'un périmètre déterminé, on sera fouillé. En résumé, ajoute ce commissaire, "il y aura plus de moyens humains, plus de moyens matériels, une attention à la cybersécurité et plus d'hommes équipés d'armes longues prêts à intervenir"."Cette année on passe une nouvelle étape, car jamais la menace n'a été aussi élevée", a déclaré le maire de Cannes David Lisnard sur la radio France Bleu Azur. "Tout est ultra sécurisé, même si le risque zéro n'existe pas", a-t-il ajouté, précisant qu'il y avait "des policiers en civil, le renseignement intensifié, la sécurité aérienne" et "en permanence des tireurs d'élite".
Des "citoyens vigilants", renforts de la police
Combien de patrouilles ? L'ensemble du dispositif est tenu secret mais "sera probablement plus visible cette année", dit-il. La municipalité de Cannes a aussi battu le rappel de ses "citoyens vigilants", au nombre de 80 et qui se fondront dans le paysage avec pour mission d'être les yeux et les oreilles de la police dans un périmètre défini, en complément des 550 caméras de surveillance. "Ce sont des bénévoles à qui on demande d'être disponibles lors des grandes manifestations depuis environ un an. Ils ont un numéro dédié pour nous prévenir de tous les faits anormaux ou qu'ils estiment tels", explique un responsable de la police municipale.Ce policier cannois, qui n'a pas 70 ans comme le Festival mais l'expérience de 37 éditions, l'assure : "ce sera le festival le plus sécurisé de tous ceux que j'ai eu l'occasion de voir."
La population de Cannes triplée pendant le festival
Capitale mondiale du cinéma pendant douze jours, Cannes voit sa population tripler durant l'événement pour atteindre 200.000 personnes, du simple cinéphile dormant à l'auberge de jeunesse à la star américaine logée sur son yacht. La baie de Cannes, théâtre de fêtes mémorables, à terre comme sur mer, fera d'ailleurs l'objet de contrôles renforcés.L'an dernier pendant le Festival, les organisateurs d'un tournage publicitaire avaient semé la panique devant l'Eden Roc, un hôtel de luxe prisé des stars au Cap d'Antibes, en accostant déguisés en commando. Le seul incident notable de l'édition 2016.
Pendant ce temps, les derniers préparatifs
Entre-temps, à deux jours du coup d'envoi du festival, les techniciens font leurs derniers réglages, les peintres passent les derniers coups de pinceau et les chasseurs d'autographes et de selfies ont installé leurs escabeaux au bas des 24 marches du Palais des Festivals...Tout est prêt, ce mardi, pour le marathon cinématographique de 12 jours sur la Croisette, si ce n'est le célèbre tapis rouge, pas encore déroulé, ainsi que les stars, qui commencent juste à arriver. Lundi, les affiches monumentales du Festival, montrant une flamboyante Claudia Cardinale virevoltant sur un toit de Rome en 1959 - une photo retouchée qui a fait polémique -, ont été posées sur les façades du Palais.
Tout autour, l'effervescence règne sur la Croisette bordée de palmiers, de palaces et de boutiques de luxe, où les curieux côtoient sous le soleil les forces de sécurité qui commencent à patrouiller. Malgré les nombreuses mesures de sécurité, c'est le glamour et la cinéphilie qui devraient s'imposer, comme chaque année, pour la plus grande fête mondiale du 7e Art, prête à accueillir les dizaines de milliers de professionnels et d'amoureux du cinéma, qui commencent à affluer.
Les premières stars sont arrivées
Parmi les premières stars, la maîtresse de cérémonie Monica Bellucci, chargée d'animer la soirée d'ouverture, est arrivée lundi, et les membres du jury, présidé par le cinéaste espagnol Pedro Almodovar, ont commencé aussi à gagner Cannes.L'équipe des "Fantômes d'Ismaël" d'Arnaud Desplechin, avec les vedettes Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg et Mathieu Amalric, doit ouvrir les festivités mercredi soir. "C'est un honneur", a confié à l'AFP Arnaud Desplechin, qui a souligné "être ému de pouvoir offrir ça aux acteurs". D'autres stars, de Nicole Kidman -- reine de Cannes cette année avec trois films et une série -- à Colin Farrell, Isabelle Huppert ou Vincent Lindon sont également attendues sur le tapis rouge.
Au total, 19 films seront en compétition pour la Palme d'or, dont quatre américains et quatre de cinéastes français, François Ozon ("L'amant double"), Jacques Doillon ("Rodin"), Robin Campillo ("120 battements par minute") et Michel Hazanavicius ("Le Redoutable").
La polémique Netflix et ses conséquences
Deux films, "The Meyerowitz stories" du cinéaste new-yorkais Noah Baumbach, avec Dustin Hoffman, et "Okja" de Bong Joon-Ho, avec Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal, en compétition, sont eux au cœur d'une polémique entre le Festival de Cannes et la plateforme de vidéo en ligne Netflix, qui a acquis les droits du film de l'Américain et produit celui du Sud-Coréen. Alors que la règlementation française impose un délai de trois ans après la sortie en salles avant qu'un film soit disponible sur une plateforme, le géant américain a refusé de distribuer ces deux films dans les cinémas hexagonaux.Du coup, les organisateurs du Festival ont décidé de revoir le règlement pour 2018 : tout film en compétition devra désormais s'engager à être distribué dans les cinémas français. Netflix, lui, a riposté lundi en Corée du Sud, par la voix de son directeur des contenus Ted Sarandos. Il a appelé les festivals de cinéma à "changer", et Cannes à se conformer à sa mission première, "célébrer les arts".
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