Cannes 2017 : "Une femme douce" surcharge une Russie sordide en compétition
Laboratoire
Sergei Loznitsa reste fidèle à son style qui l’a fait reconnaître des sélectionneurs cannois depuis trois films : radical, politique et metteur en scène affirmé. Après, l’on accroche ou pas. Et c’est toute la qualité du festival de choisir des films représentatifs d’une recherche, comme un laboratoire de nouvelles approches du cinéma. Même si l’on n’adhère pas aux partis-pris de Sergei Loznitsa, on lui reconnaitra cette qualité de chercheur et d’intégrité artistique.Dans la noirceur générale de la compétition officielle de ce 70e Festival de Cannes, "Une femme douce" atteint des sommets. Mais on le verra plus tard dans l’ordre de présentation des films, Lynne Ramsay est parvenu à aller encore plus loin, avec "You Were Never Here", une performance… Durant les 2h23 d’"Une femme douce", le réalisateur ukrainien dresse le portrait d’une Russie gangrenée par une corruption kafkaïenne, avec une charge effroyable. Une démonstration surchargée qui enfonce des portes ouvertes. Dans le registre : on a déjà donné.
Les fangeux
A croire qu’il règle ses comptes avec le différend (euphémisme) entre Moscou et Kiev (étant Ukrainien). Ce n’est qu’une succession de personnages fangeux, de décors décrépis, et de situations plus sordides les unes que les autres. Anonyme, la victime de ce maelstrom lapidaire (Vaslina Makovtseva) est cette femme douce, que les aléas de l’administration vont bringuebaler dans les neuf cercles de l’enfer. Même si le film ne se veut pas réaliste, elle en devient incrédible, tant elle se fait baguenauder à hue et à dia, sans réagir, s’enfonçant à chaque étape un peu plus.
Rien ne nous est épargné du mépris des fonctionnaires bornés, des vautours se délectant d’avoir trouvé une proie : proxénètes, trafiquants, policiers sont tous mis à la même enseigne d’un système corrompu jusqu’à la moelle. Andrei Zvyaggintsev allait dans le même sens dans son sublime "Léviathan“ en 2014 (Prix du scénario à Cannes), mais avec beaucoup plus de finesse. Dans "Une femme douce" tout est excessif, de la durée des plans, interminables, à une séquence onirique que l’on identifierait à du Fellini de bas étage, jusqu’à une scène de viol pour couronné le tout comme cerise sur le gâteau. Bon appétit.
LA FICHE
Réalisateur : Sergei Loznitsa
Pays : Ukraine, France, Pays-Bas, Allemagne, Russie, Lituanie
Acteurs : Vasilina Makovtseva, Lia Akhedzhakova, Valeriu Andriuta
Durée : 2h22
Synopsis : Une femme reçoit le colis qu’elle a envoyé quelques temps plus tôt à son mari incarcéré pour un crime qu’il n’a pas commis. Inquiète et profondément désemparée elle décide de lui rendre visite. Ainsi commence l’histoire d’un voyage, l'histoire d’une bataille absurde contre une forteresse impénétrable.
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