Cannes 2015 : "A perfect day" les humanitaires et l'absurdité de la guerre
4 / 5 ★★★★☆
Adapté du roman "Dejarse Llover" de Paula Farias, "A perfect day" suit une équipe de travailleurs humanitaires en Bosnie à la fin de la guerre. Le seul puits à des kilomètres à la ronde est souillé parce que le cadavre d'un très gros homme y a été volontairement jeté quelques jours plus tôt. Il s'agit donc pour nos héros de l'extraire des profondeurs avant que l'eau ne soit définitivement contaminée.
A partir de ce problème a priori assez simple à résoudre, à condition de disposer d'une corde, le film expose l'irréductible et tragique ridicule de toute situation de guerre. La logique et le bon sens n'ont plus droit de cité, remplacés par l'arbitraire et l'incompréhensible. Le chaos a sa propre logique et toute la bonne volonté n'y peut rien.
Casting
Le casting de ce film espagnol est international, comme le sont en général les équipes de volontaires sur le terrain. Benicio de Toro est Mambru, responsable du groupe et de sa cohésion, quand il y parvient. Tim Robbins est B. grande gueule, plein d'humour et qui n'a pas d'autre famille que celle-ci, il ne peut pas imaginer quitter la Bosnie. Sophie est incarnée par Mélanie Thierry, jeune française spécialiste de la purification de l'eau, elle fait là ses première armes humanitaires. L'autre femme de cette équipée est Katya, Olga Kurylenko, ancienne maitresse de Mambru, elle doit estimer pour l'ONU si la mission de l'ONG doit être oursuivie ou non. Damir est interprété par Fedja Stukan originaire de la région où se situe l'action et qui a vécu la période de la guerre.
Fernando Leon de Aranoa connait son sujet. Pendant la guerre de Bosnie, justement, il a filmé des organisations humanitaires sur le terrain. Il a pu constater l'absurdité de certaines situations, s'apercevoir aussi que nombreux, parmi les membres de ONG mais aussi chez les populations locales, étaient ceux qui parvenaient à garder un humour un peu du même type que celui des carabins. Un humour qui décompresse, qui permet de retrouver l'humanité malgré l'horreur, qui donne l'occasion d'évacuer le stress, d'empêcher la cocotte minute d'exploser. Le cinéaste a su aussi imaginer des situations qui résument à elles seules le fossé qui séparait les volontaires des ONG des hommes et des femmes qu'ils venaient aider. Lors de la rencontre avec le public, le comédien Fedja Stukan racontait combien les membres des associations humanitaires étaient détestés par la population qui ne voyait en eux que des privilégiés qui pouvaient quitter le pays en guerre quand ils le voulaient. C'es ce film, a-t-il confié ensuite, qui lui a permis de voir l'action des ONG d'un autre oeil. Et puis l'amour, les relations entre volontaires... Eros et Thanatos, encore et toujours unis, jusque dans le plus noir des abimes.
L'absurdité de la guerre
"A perfect day" n'est pas le premier film à dénoncer l'absurdité de la guerre avec humour. "M.A.S.H." de Robert Altman ou encore "Catch 22", de Mike Nichols l'ont fait dès 1970. Mais contrairement à ces deux oeuvres le film de Fernando Leon de Aranoa est loin de la caricature. Si le spectateur rit, c'est du même rire que les personnages et pour les mêmes raisons qu'eux. C'est aussi un rire de soulagement, un rire qui unit. Ici pas de dérision ou d'outrance, le rire n'est pas comique. Il vient illustrer l'absurdité du conflit et le décalage entre ce qui devrait être fait et ce qui peut l'être. Cette absurdité qui fait que les Casques Bleus de l'ONU viendront empêcher les humanitaires de rendre potable le puits souillé en leur interdisant de retirer la charogne qui y pourrit. Règlement règlement !
L'humour n'est d'ailleurs pas toujours drôle. La scène du ballon de football à la fin du film vient le prouver : il y aura toujours chez l'étranger, c'est à dire l'humanitaire, une incapacité à saisir ce qui se passe. L'humour vient lui dire : essaie tout, ce ne sera pas assez et en tout cas ce ne sera jamais juste. Il restera toujours au fond d'un puits un cadavre qui vous échappera, jusqu'à ce que...
"A perfect day"
Film espagnol de Fernando Leon de Aranoa
avec Benicio del Toro, Tim Robbins, Olga Kurylenko, Mélanie Thierry, Fedja Stukan
1h45
avec
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