Cannes 2014 : "Les Merveilles", les souvenirs inventés d'Alice Rohrwacher
3 / 5 ★★★☆☆
"Les merveilles" (Le meraviglie). Film Italien d'Alice Rohrwacher avec Alexandra Lungu, Sam Louvick, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo, Luis Huila et Monica Bellucci. 1h50.
La vie n'est pas facile dans cette petite exploitation de l'Ombrie. La famille d'apiculteurs y travaille dur et même les plus petites filles mettent la main à la pâte. Le père d'origine allemande, seul homme de la maison, règne en tyran domestique sur sa femme, ses quatre filles et sa soeur. N'ayant appris à s'exprimer qu'à travers la colère, c'est un handicapé des sentiments. Tout se passe sans témoin jusqu'à l'arrivée d'un petit garçon mutique, délinquant envoyé là par les services sociaux pour tenter une réinsertion. Un service qui devrait permettre la famille de gagner un peu d'argent. Si tout se passe bien...
Un autre événement vient perturber la morose vie quotidienne : la plus grande des filles inscrit la famille à un concours de téléréalité mettant en concurrence des familles d'agriculteurs de la région.
Un film "personnel" mais pas autobiographique
Alice Rohrwacher se défend d'avoir signé un film autobiographique. Tout juste y reconnait-elle un film "personnel". Que cette famille aux origines diverses (on y parle trois langues) ressemble à la sienne, qu'elle connaisse bien le métier d'apiculteur, que le film ait été tourné sur les lieux de son enfance et qu'elle s'identifie facilement au personnage du père n'y changent rien, son film n'est pas autobiographique ! Alors on veut bien la croire.
Une oeuvre très italienne
Si la jeune cinéaste, elle a 33 ans, avoue porter une grande admiration à Rossellini, son film évoquerait davantage deux autres filiations, Pasolini pour l'ambiance générale de la ferme et Fellini pour certaines apparitions telles que le chameau (oui, avec deux bosses!) que le père de famille offre à ses filles ou le débarquement d'un tournage pour une émission de téléréalité présenté par une sylphide Monica Bellucci. Pasolini encore avec l'intrusion d'un enfant mutique qui va bouleverser l'ordre établi, Fellini aussi avec l'une des filles de la fratrie prénommée Gelsomina, comme l'héroïne de "La Strada".
Des personnages attachants
Il ne se passe pas grand chose dans ce film et pourtant Alice Rohrwacher parvient à nous intéresser à la vie de cette famille. On y sourit des petits gags de la vie quotidienne, on y souffre de la rudesse du père envers ses enfants. De petites bêtises en accident, de colère du papa en disparition inquiétante du garçon mutique, le chameau tourne en rond, la vie va à son rythme et devient un souvenir sans même qu'on l'ait vue passer. La réalisation s'attache à la réalité des petites choses de la vie quotidenne, mais elle devient onirique ou fabuleuse à la survenue du chameau ou de l'équipe de télévision. A la fin du film on se dit qu'un ange est passé, qu'il a pris les visages de ces femmes, de ces petites filles, de ce petit garçon sans paroles, du papa maladroit aussi. On se dit que Monica Bellucci a bien fait de prêter sa beauté classique à cette oeuvre pleine de tendresse dont on s'étonne encore qu'elle ne soit pas autobiographique.
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