Cannes 2014 : le thème de l'argent au coeur de la compétition officielle
Le ton a été donné dès le film d'ouverture, "Grace de Monaco", une histoire d'impôts plus qu'un roman d'amour, réalisé par Olivier Dahan. Nicole Kidman tente d'y sauver une Principauté dont les caisses sont vides face à un général de Gaulle qui menace de "faire retourner Monaco au Moyen Age" si le Rocher continue sa politique d'exonération de taxes.
Dans "Timbuktu", du Mauritanien Abderrahmane Sissako, la pauvreté peut mener à la mort. Dans un Mali dominé par les jihadistes, un éleveur doit répondre du meurtre d'un pêcheur. Selon la charia, seul l'acquittement d'une lourde somme à la famille de la victime peut le sauver de l'exécution. Le juge réclame 40 vaches. Kidane n'en a que huit.
Saint Laurent les poches pleines de billets de 500 francs
On est loin de l'atmosphère dissolue des années 70 en France du "Saint Laurent" de Bertrand Bonello, quand le couturier et Pierre Bergé se promenaient les poches remplies de billets de 500 francs et achetaient des oeuvres d'art comme d'autres des bonbons. "Tu ne vis pas dans la réalité, tu n'es jamais allé au supermarché", dit à Yves Saint Laurent sa mère (Dominique Sanda).
Dans "Winter Sleep" (Sommeil d'hiver), du Turc Nuri Bilge Ceylan, l'hôtelier
Aydin règne en maître sur son village de Capadocce grâce à sa fortune.
Sa femme, sans revenu, est contrainte de rester au foyer. "Je vis à tes crochets au prix de ma liberté", lui lance-t-elle. Elle essaiera d'aider un locataire sans argent que son mari veut expulser. Mais quand elle lui apporte secrètement une grosse liasse de billets, l'homme la jette dans le feu, préférant sa fierté à la sécurité financière.
"Foxcatcher", l'histoire des Du Pont, un monument du capitalisme
A Tel Aviv, dans "Loin de mon père", c'est un père incestueux qui maintient sa fille dans une complète dépendance, y compris financière. Tami passe ses journées à l'attendre à la maison et lorsqu'elle rassemblera le courage de partir, elle devra tout laisser derrière elle. "Foxcatcher", de l'Américain Bennett Miller, s'attaque à l'un des temples du capitalisme des années 1980, l'immense fortune de la famille Du Pont, propriétaire du premier groupe chimique au monde. Et au pouvoir qui s'y attache.
John Du Pont, milliardaire excentrique interprété par Steve Carell, a vécu une enfance solitaire. "Je n'avais qu'un seul ami, et j'ai découvert à 16 ans que ma mère le payait", dit-il. Il en gardera l'habitude : lorsqu'il gagne des compétitions amateur de lutte, c'est parce que son adversaire a été discrètement rémunéré.
"Maps to the Stars" : à Hollywood, des enfants parlent en millions de dollars
Mégalomane, il s'offre tout ce que l'argent peut lui donner, y compris un char d'assaut ou une équipe olympique de lutteurs à entraîner. Il ne lui en coûte que 500.000 dollars de subvention annuelle à la fédération. Et tant pis si ses caprices finissent par détruire la vie des autres moins fortunés.
Et que dire de "Welcome to New York" où Gérard Depardieu, le double de DSK, s'offre toute la luxure que les dollars peuvent offrir, avant la chute? Où l'argent de sa femme lui assure aussi la meilleure défense.
Dans "Maps to the Stars", le Canadien David Cronenberg s'attaque à la capitale du show business, Hollywood, où des enfants stars parlent en millions de dollars, et où les valeurs morales n'ont plus cours. Le film "aurait pu être tourné dans la Silicon Valley, à Wall Street, partout où les gens sont très ambitieux, cupides, ont peur de plein de choses",
explique le réalisateur.
Mardi, c'est dans un tout autre registre, celui de la chronique sociale, que les frères Dardenne exposent le rôle de l'argent dans nos sociétés. Dans "Deux jours, une nuit", Marion Cotillard, une ouvrière menacée de licenciement, tente de convaincre ses collègues de renoncer à une prime de 1.000 euros pour sauver son emploi.
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