Cet article date de plus de dix ans.
Cannes 2014 : "Amour fou" un suspense statique dans le Berlin de 1811
La section "Un certain regard" du festival de Cannes 2014 proposait le film autrichien de Jessica Hausner "Amour fou". Il s'inspire du suicide de l'écrivain allemand Heinrich von Kleist qui entraîna dans la mort une jeune mère de famille consentante au sacrifice.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 2min
La note Culturebox
3 / 5 ★★★☆☆
3 / 5 ★★★☆☆
"Amour fou". Film autrichien de Jessica Hausner, avec Birte Schnöink, Christian Friedel... Durée : 1h36
Le 21 novembre 1811, l'écrivain Heinrich von Kleist se suicidait au Wannsee, à Berlin. Il avait 34 ans. Juste avant de se tirer une balle, il avait tué Henriette la femme avec qui il entretenait depuis plusieurs mois une correspondance amoureuse.
"Amour fou" est le récit de cette mort choisie. Kleist (Christian Friedel, quasi sosie de son personnage) apparaît comme un personnage complètement centré sur lui-même. Dégoûté d'une vie qui, selon ses critères, ne lui apporte rien et désirant avoir prise sur le destin, il veut en finir en offrant à une femme la "chance" de partager avec lui sinon sa vie, du moins sa mort. Echouant à persuader sa cousine pas du tout séduite par cette perspective romantique mais définitive, il se rabat sur Henriette, une mère de famille de la bourgeoisie berlinoise.
Persuadée d'être atteinte d'un mal incurable, elle se laissera tenter. On l'aura compris, "Amour fou" (le titre original est en français) n'est pas à prendre dans son acception habituelle mais plutôt dans celle d'"amour malade". Malgré son rythme très lent, "Amour fou" est un film à suspense. Pour qui ne connait pas l'histoire de Heinrich von Kleist, le doute subsiste tout au long du film : ce trentenaire sans aucun charisme, sans charme ni beauté réussira-t-il à convaincre une femme, et laquelle, à l'accompagner dans la mort ?
La cinéaste a choisi de composer ses plans comme autant de tableaux. Le film est donc, à quelques exceptions près, une succession de longs plans fixes. Et ce qui peut paraître, au début du film, une affectation prétentieuse devient peu à peu une écriture quasi hypnotique. A l'absence d'action sur l'écran correspond une tempête dans les sentiments intérieurs des principaux personnages. L'ennui qui fait le quotidien de la petite bourgeoisie allemande du début du XIXe siècle est un des personnages importants de ce drame. Deux siècles plus tard, Jessica Hausner parvient par touches imperceptibles à faire comprendre comment une femme peut accepter le contrat de cet homme qui n'est même pas son amant. Très littéraire, ce film que son auteur définit comme une "comédie romantique" devrait trouver son public parmi les cinéphiles exigeants. Il aura parfaitement sa place un soir, sur une chaîne de télévision culturelle.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.