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Anders Danielsen Lie, spleen scandinave

Depuis quelques années, Anders Danielsen Lie déplace sa silhouette de grand oiseau écorché d'un film d'auteur à l'autre. Après avoir illuminé les deux premières réalisations de Joachim Trier, l'acteur, aussi médecin dans la vie, campe un jeune homme endeuillé qui perd goût à la vie dans "Ce sentiment de l'été", sorti mercredi en salles. Rencontre avec une incarnation norvégienne de la mélancolie.
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Anders Danielsen Lie le 13 janvier à Paris
 (Boris Courret / Culturebox)

L'Alba Opéra, à deux pas de Pigalle. C'est dans cet hôtel au charme feutré que nous attend Anders Danielsen Lie, à l'affiche du premier film de Mikhaël Hers, "Ce sentiment de l'été". Inconfortablement assis sur une petite chaise du salon faisant face à l'accueil servant de décors au film, l'acteur longiligne de 37 ans ressemble étrangement au personnage qu'il incarne.
 
Petit pull en coton noir, traits tirés et regard cafardeux, le comédien semble ne pas avoir enlevé le costume. Celui de Lawrence. Ce jeune homme endeuillé, submergé par le vide et la solitude après la mort de sa compagne, Sasha. Que faire désormais du reste de sa vie ? Il ne sait pas vraiment. Tout lui est tombé dessus, comme ça. Trop vite. Froidement. Implacablement. Rien ne l'y préparait. C'était l'été à Berlin. Sasha s'était réveillée. Il faisait beau ce jour-là. Elle avait enfilé avec empressement un minuscule short en jean, un léger haut et s'était rendue au travail. Comme tous les matins. À la fin de la journée, sur le chemin du retour, elle s'écroule dans le parc voisin, là où ils étaient allés tant de fois tous les deux. Et voilà ce jeune américain perdu dans Berlin. Seul. Inutile. Absent. Mais il faut malgré tout se reconstruire. Y parviendra-t-il ? C'est ce chemin vers la lumière que filme Mikhaël Hers. L'élégance mélancolique de son acteur trainant délicatement son mal-être entre Berlin, Paris et New York.


Mal de vivre

Ses grands yeux cerclés et délavés. Sa moue chagrineuse. Sa minceur. Anders Danielsen Lie est l'incarnation d'un mal de vivre. La figure du trentenaire tourmenté. "Promis, c'est mon dernier rôle dans ce genre avant un petit moment", sourit-il. "Un personnage comme celui-ci vous cantonne. Et je refuse d'être cantonné". Car ce rôle du mec torturé, il n'a cessé de le camper. 2008. Joachim Trier vient le chercher pour être Philipp, dans un premier long métrage en forme d'hommage godardien, "Nouvelle donne". Écrivain en herbe sombrant dans l'alcool et qui ne tardera pas à être interné en hôpital psychiatrique.
 
Mais c'est dans le second film de Trier, "Oslo, 31 août", libre adaptation, après celle de Louis Malle, du "Feu follet" de Pierre Drieu la Rochelle, qu'il irradie. Littéralement. Il est Anders, ancien écrivain fêtard et junkie en fin de cure de désintox. Il s'est débarrassé de quelques démons. Mais pas de cette tristesse, qui le ronge, sans cause explicite. "Tout va s'arranger", se répète-t-il tel un mantra. Comme pour s'en convaincre, sans y croire vraiment. Joachim Trier en a fait son acteur fétiche. Pourquoi ? Il ne semble pas le savoir lui-même. "Vous devriez lui demander", s'amuse l'acteur. "Je ne sais pas trop. Joachim est quelqu'un d'original, d'imprévisible. On se ressemble certainement un peu. Nous ne sommes pas des causeurs. Sans se parler, on se comprend. Avec lui, j'arrive à sortir de ma zone de confort. J'ai besoin de lui, de son regard, pour savoir si je suis bon ou pas. Je lui fais une confiance aveugle. C'est peut-être ça aussi qui lui plaît", plaisante-t-il.

Depuis ses expériences larsiennes, Anders Danielsen Lie traîne sa silhouette gracile dans quelques films français. "Fidelio, l'odyssée d'Alice" (2014) où il partage l'affiche avec une Ariane Labed qui ne tardera pas à succomber à un autre, Melvil Poupaud. Et bientôt dans "Personal Shopper", d'Olivier Assayas qu'il "admire", aux côtés de Kristen Stewart.

Sincérité

Une carrière en plein boum pour ce fils de psychiatre et de comédienne, qui, entre les deux, a décidé de ne pas choisir. Car Anders Danielsen Lie est aussi, à ses heures perdues, médecin généraliste à mi-temps dans un cabinet d'Oslo. "Être les deux à la fois m'apporte beaucoup. C'est aussi parce que je suis de passage dans le cinéma que je peux apporter de la sincérité à mes rôles. Et de la même façon, mes expériences au cinéma me rendent aussi plus humain dans ma pratique de la médecine". Mais il en convient, cette situation ne pourra pas forcément durer. "Je n'ai pas encore fait de choix, mais je sais qu'un jour ou l'autre, il s'imposera à moi. Ça devient de plus en plus difficile, non seulement parce qu'on me propose plus de rôles, mais aussi parce que j'ai une fille désormais". Avec un top norvégien. Couple star dans le pays qu'on a pu voir dans le supplément du New York Times posé en maillot de bain sur les rives du fleuve Akerselva pour un numéro consacré au Oslo branché.
Anders Danielsen Lie, le 13 janvier à Paris
 (Boris Courret / Culturebox)

Et pourtant, l'acteur refusait cette vie. La célébrité l'effrayait. "À 10 ans, j'ai joué dans une série, Herman, grâce à ma mère, qui connaissait le réalisateur. Le programme a eu pas mal de succès et j'ai été tétanisé par cette notoriété subite. Je n'avais plus du tout envie de tourner". Mais sa passion pour le cinéma est trop forte. En grandissant et pendant ses études de médecine, il passe quelques castings. C'est lors de l'un d'eux que Joachim Trier le remarque. Depuis, l'acteur norvégien ne se refuse rien. Du plus en plus courtisé, il avoue même aujourd'hui ne pas être opposé à l'idée de jouer dans un blockbuster. "Si le projet me plaît, j'irai avec plaisir. De toute façon j'ai envie de nouveauté. Le type déprimé, pour l'instant, c'est terminé", souffle-t-il, de son petit air d'acteur maudit.

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