Rétrospective Robert Crumb au Musée d'Art moderne à Paris : derniers jours
Cette exposition rassemble plus de 700 dessins originaux, de 1960 à nos jours, provenant uniquement de collections privées et de l'auteur.
"Cela semble tellement bizarre d'être exposé dans un musée! Voir tous mes dessins, depuis cinquante ans, sur des murs, c'est très étrange et je ne comprends toujours pas pourquoi. Je suis quand même impressionné et flatté", reconnaît-il, apostrophant le directeur du Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, Fabrice Hergott, lors d'une présentation de l'exposition. "C'est simplement parce que vous êtes l'un des plus grands dessinateurs de ces cinquante dernières années et que vous avez eu une influence considérable sur de très nombreux artistes", rétorque Fabrice Hergott.
Barbe blanche et yeux moqueurs derrière des verres épais, le filiforme Robert Crumb, fou de dessin et longtemps de LSD, libertin, chroniqueur des hippies, icône de la BD alternative, humoriste provocateur qui fustige les conventions sociales, hoche la tête en souriant.
Né en 1943 à Philadelphie, Robert Crumb commence à dessiner régulièrement à l’âge de 7 ans. Il crée ses héros Fritz the Cat et Mr. Natural respectivement en 1959 et 1967. En 1968, en pleine explosion hippie à San Francisco, il connaît son premier succès en réalisant entièrement le premier numéro de la revue Zap. Passionné par la musique des années 1920 et 1930, il dessine de nombreux portraits de musiciens et des pochettes de disques.
A partir des années 1980, il dirige la revue Weirdo et illustre des écrits de Bukowski ou Sartre. Dans les années 1990, il réalise une biographie de Kafka en collaboration avec David Zane Mairowitz et les deux recueils de dessins Art & Beauty.
Crumb vit depuis 1991 avec sa femme Aline dans le village de Sauve, près de Nîmes, où cohabitent "vrais" Cévenoles, anciens hippies et artistes. "Crumb ne parle pas français. Il vit entouré de 6000 78 tours et se sent toujours très américain", explique le commissaire de l'exposition Sébastien Gokalp. "Robert ne voulait pas s'occuper de l'exposition mais il m'a aidé", dit-il. Il m'a notamment fourni les comics qu'il lisait enfant".
Mercredi soir, il avait invité une cinquantaine d'habitants de Sauve au Musée. "Les villageois ne connaissaient pas son oeuvre. Son galeriste new- yorkais David Zwirner et de grands collectionneurs étaient là... C'était drôle de les voir tous ensemble", relève Sébastien Gokalp. "Les élèves de mon cours de yoga sont toutes venues", se réjouit son épouse, dessinatrice de BD et peintre qui, à 64 ans, conserve une allure juvénile, piercing et robe courte. "C'est grâce au yoga", assure-t-elle, secouant sa chevelure au henné. "Crumb dessine tout le temps, y compris sur les nappes de restaurant. Mais tous attendaient qu'il parte pour récupérer les dessins et les vendre... alors il a arrêté", raconte-t-elle.
Icone de la BD alternative
Les dessins de Crumb sont apparus en France en 1970, grâce aux couvertures du magazine Actuel, reprises des illustrations déjà publiées aux Etats-Unis. Ses ouvrages sont édités depuis 2000 en français par Cornélius et Denoël Graphic.
L'oeuvre de Crumb a profondément marqué le monde de la BD sur deux générations, en Amérique et en France, de Moebius à Joann Sfar qui avoue: "Crumb m'a appris à dessiner".
Avec son trait souple et dense, Crumb remet en question les frontières de la BD, ose tout. "C'était la première fois qu'on traitait de sujets qui étaient partout mais restaient occultés: l'amour, le sexe, la drogue, la violence, la vie "cool". Tout cet univers hippie, qui a ainsi trouvé son trait", explique Sébastien Gokalp. "C'est cette adéquation totale avec l'esprit du temps qui l'a rendu extrêmement célèbre, très vite". Crumb diversifie aussi ses héros : "Je ne me voyais pas dessiner toute ma vie Fritz The Cat, Mr Natural ou Big Yum Yum", dit-il.
En 2005, Crumb s'est attaqué à la Génèse. Aujourd'hui, il continue à dessiner. Quoi ? "C'est un secret"
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