"Soudain l'univers prend fin" de Dakota McFadzean : l'art de philosopher en 4 cases et en riant
Le livre, format roman couverture cartonnée avec son marque-page ficelle, ressemble à un livre de notre enfance. On dirait presque un livre de magie. On ouvre. Une double-page d'un ciel bleu nuageux, un oiseau à l'horizon.
"À mes parents", prévient l'auteur (comment ont-ils pris la chose, le livre ne le précise pas). La première planche est une introduction, une page pleine, ensuite il n'y aura plus que des strips en 4 cases. L'auteur nous y explique qu'en 2009, il procrastinait sec, quand il a eu l'idée, en lisant les strips quotidiens de James Kochalka de faire de même. Un strip par jour. Il s'y tient pendant 6 ans. Au début, il raconte sa vie, puis il s'en échappe.
Le résultat de ce travail accompli sans faillir est une somme de 1825 strips. On peut découvrir dans ce premier tome les 900 premiers. Un deuxième opus sera publié par les éditions Ça et Là en septembre 2018."J'ai peu à peu réalisé que ma vie n'était pas particulièrement passionnante à dessiner, ou à lire. Je me suis donc mis à dessiner ce qui me passait par la tête. Peut-être que les strips de fiction en disent plus long sur moi que ceux qui sont autobiographiques. Ha Ha ! Un voyage dans l'inconscient. Mais je ne pense pas continuellement à des têtes volantes ou à des pigeons mutilés. C'était juste un exercice. Vous n'étiez pas censés voir ces strips"
L'art de philosopher en 4 cases et en riant
Incroyable tout ce que 4 malheureuses cases peuvent contenir, tant Dakota McFadzean maîtrise merveilleusement cet art typiquement anglo-saxon. Côté dessin, il réussit dans ces toutes petites cases format vertical à nous transporter de l'infiniment petit à l'infiniment grand, dans des univers tantôt réalistes (rarement en fait), tantôt surréalistes. Le dessinateur joue avec son motif, le dessin filant parfois d'une case à l'autre pour n'en faire plus qu'une, d'autres fois se subdivisant, sans jamais sortir du format.On retrouve des personnages récurrents : un bonhomme chauve chemise blanche et cravate, deux oiseaux qui conversent, Dieu, des animaux domestiques, un éléphant laconique et peu coopératif, un moustachu dépressif, et aussi des monstres…
Les textes sont aussi efficaces que les dessins. McFadzean met en scène des situations absurdes, loufoques, surréalistes, parfois légères, parfois angoissantes ou même morbides, inspirées la plupart du temps par le plus banal du quotidien. Certains strips touchent à la métaphysique et stoppent le lecteur tant ils suscitent vertige, puis réflexion. McFadzean ne s'interdit pas non plus quelques citations, sans excès (Luky Luke, Garfield, Mickey, Batman, Super Mario et d'autres).
Aussi, et surtout, McFadzean étant un adepte de l'humour noir, c'est en riant que l'on tourne les pages de ce merveilleux album de bande dessinée à caractère philosophique.
"Soudain l'univers prend fin", Dakota McFadzean, traduit de l'anglais (Canada) par Philippe Touboul
(Editions Ça et Là - 304 pages couleurs - 25 €)
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