Festival BD d'Angoulême : Moto Hagio, autrice avant-gardiste et au-delà des genres
Moto Hagio est une autrice fondamentale dans l’histoire du manga. Elle a commencé à dessiner au début des années 70 et s’est intéressée à des sujets très actuels comme la question des genres et la place des femmes dans la société. Le titre de l’exposition Au-delà des genres fait référence à son genre littéraire qui embrasse à la fois le roman victorien avec Le Clan des Poe (publié chez Akata), la science-fiction la plus avant-gardiste avec certains de ces récits, des choses plus terre à terre, explique Xavier Guilbert, le co-commissaire de l’exposition.
"J'ai passé ma vie à essayer de savoir pourquoi les humains ont du mal à communiquer entre eux, à se comprendre", déclare Moto Hagio qui a été récompensée pour plusieurs de ses œuvres, dont certaines ont été adaptées au théâtre ou au cinéma.
Dénoncer l'inégalité
L’exposition est faite de manière chronologique autour de trois périodes : l’âge et l’innocence ; l’âge des possibles et le temps des conséquences. La première partie s’intéresse à ses récits qui parlent de jeunes garçons, comme Le Pensionnat de novembre ou Le Cœur de Thomas.
Si Moto Hagio a choisi des garçons ce n’est pas pour rien. De cette façon, "je peux dessiner des relations égalitaires. Dans le monde entier, il y a des relations d'infériorité dans les couples homme-femme et au Japon en particulier. J'ai beaucoup de mal à dessiner ces situations parce que cela me pèse. Donc, je ne pourrais pas faire une version féminine du Cœur de Thomas. Je préfère dessiner des relations amoureuses où il n'y a pas de relation de pouvoir entre les deux parties. Pour moi, la façon la plus simple de faire ça, c'est en utilisant deux garçons", mais aujourd’hui "ce serait aussi possible avec deux femmes", explique-t-elle.
Une fan de science-fiction
Moto Hagio a développé une œuvre très stimulante en termes de science-fiction, on y voit vraiment un espace de remise en question de la société. C’est là qu’il y a une connexion assez forte avec Ursula K. Le Guin, notamment son titre La main gauche de la nuit qui parle d'hermaphrodites, de rôle qui change au fil de la vie, des genres. Il y a des parallèles assez marquants à ce niveau-là. "Je trouve ça très intéressant de pouvoir se projeter dans le futur parce que cela me permet de voir les problématiques résolues et celles qui ne le sont pas", explique Moto Hagio.
Une colère salvatrice
Dans les années 80, certains de ses récits auront une connotation beaucoup plus sombre et de plus en plus ancrés dans notre société actuelle. Il y a une volonté de parler des choses de manière plus frontale et ce dans une démarche d’écriture que l’on pourrait qualifier de thérapeutique. L’autrice a eu des relations très conflictuelles avec ses parents pendant de très nombreuses années. Elle raconte : "C'est la façon dont ma mère m'a oppressée qui m'a donné cette envie très forte de liberté. Donc, c'est l'environnement dans lequel j'ai grandi qui m'a poussée vers la création. Je n'ai pas pu baisser les bras. Si cela n'avait pas été ma mère, je ne l'aurais jamais fréquenté, mais on ne choisit pas sa famille."
Tout est dans les détails
Ce qui est frappant dans ses mangas et que l’on voit bien dans l’exposition, ce sont les grands yeux pénétrants de ses personnages, ses traits fins et le soin particulier avec lequel elle dessine les décors et les costumes. Rien n’est fait au hasard. "C'est très important et je fais des recherches en fonction de l'époque", pour savoir comment habiller les personnages. "Je trouve ça très intéressant de voir que tout d'un coup la mode peut changer les mœurs."
Cette très belle rétrospective des œuvres de Moto Hagio est à voir au musée d’Angoulême jusqu’au 17 mars 2024.
Les éditions Akata ont publié récemment Le Clan des Poe et Barbara. De son côté, Glénat a réédité son anthologie de Moto Hagio qui se compose de deux tomes : De la rêverie et De l'humain.
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