10 millions d'exemplaires du manga "My Hero Academia" vendus en France : dans les secrets de réussite de la maison d'édition Ki-oon
Créé le 24 octobre 2003 dans une cité HLM de Trappes, en banlieue parisienne, par Ahmed Agne et Cécile Pournin, les éditions Ki-oon publient leur premier manga le 9 mars 2004. La "petite" maison d'édition acquiert en 2014 les droits de My Hero Academia. Depuis, le titre est devenu un véritable phénomène, se plaçant désormais cinquième série la plus vendue de l’histoire du manga en France.
Aujourd'hui, Ki-oon est devenu le 2e acteur français du marché du manga, installant des bureaux à Paris et à Tokyo. Pour fêter le succès de My Hero Academia et ses 20 ans, Ki-oon organise un grand évènement au Trocadéro le 14 et 15 septembre, au Café de l'Homme. Interview avec Ahmed Agne, le co-fondateur de la maison d'édition.
Pourquoi un tel évènement autour de My Hero Academia ?
On a vendu plus de 10 millions d’exemplaires, d’après les chiffres de l'institut de référence GFK. C’est un évènement à notre échelle mais aussi à celle du marché. My Hero Academia devient la 5e série la plus vendue de l’histoire du manga en France, après One Piece, Naruto, Dragon Ball et Fairy Tail. On avait envie de dire merci aux lecteurs français qui nous ont suivis depuis 2016, on avait envie de dire merci à l’auteur et à l’éditeur japonais. La France est un territoire qui occupe une place très particulière dans le succès de ce manga, on peut dire que c'est la deuxième terre de My Hero Academia après le Japon. On voulait faire un évènement emblématique, symbolique et qui fédère les fans français. C’est pour ça qu’on a choisi de faire ça au Trocadéro avec la tour Eiffel en toile de fond. On pourra se prendre en photo devant une réplique de quatre mètres de haut du tome 1, avec la tour Eiffel juste derrière. Il y aura aussi une exposition de planches, une interview de l’auteur et des goodies exclusifs seront distribués gratuitement aux fans qui se déplaceront.
Comment expliquez-vous la montée en puissance de votre maison d’édition ?
J’ai envie de dire et de croire qu’on est resté fidèles à la ligne qu’on s’était fixée au départ : faire du manga pour les fans de manga, mais avec des thématiques et des types de dessin susceptibles de parler à un public plus large et surtout persuadé que ce n’est pas pour lui.
"Avec Cécile, on a été traumatisés quand on était gamins par tout le mal qui a été dit et écrit sur le manga, l’animation japonaise et la pop culture japonaise."
Ahmed Agneà franceinfo
Donc, on est dans une espèce de quête un peu bizarre à la légitimité. Il y a cette envie et cette volonté de convertir des gens en leur disant : "Vous voyez, on vous avait dit que c’était bien !". Il y a un truc qui me rend particulièrement fier, c’est que lorsqu’on regarde le top 10 des meilleures ventes de Ki-oon, évidemment il y a des shonen, mais il y a aussi des mangas comme A Silent Voice (qui traite du harcèlement), BeatStars, Les carnets de l’apothicaire (intrigue de cour dans une Chine médiévale fantasmée), Frieren, la collection des chefs-d’œuvre de Lovecraft. On a la sensation d’avoir sorti les lecteurs de leur zone de confort.
Comment choisissez-vous vos titres ? Comment faites-vous pour qu’ils touchent le plus grand nombre de lecteurs alors qu’il n’est pas forcément connu ?
Pendant 10 ans, on a fédéré autour de nous un public de lecteurs qui nous faisaient confiance et qui étaient capables de nous suivre sur des paris. Ils sont passés de lectures pointues à des lectures très différentes. Ce grand écart, c’est aussi le grand écart de nos goûts. Je lis, j’aime, j’essaie de publier et je n’aime pas, je ne suis pas, même s’il y a un potentiel commercial. Il y a des choses que j’aime mais que je ne fais pas parce que cela ne correspond pas à la ligne éditoriale de Ki-oon. Par exemple, je ne fais pas de patrimoine. J’adore ça, je suis un lecteur assidu et régulier de mangas patrimoniaux, mais je n’en fais pas pour Ki-oon parce qu’une des lignes éditoriales de Ki-oon c’est de publier un nombre limité dans l’année. On a un nombre de publications très stable depuis 20 ans et je pense qu’il faut parfois se faire violence pour ne pas développer des champs éditoriaux qu’on ne sera pas capable d’assumer autrement qu’en faisant un grand nombre de publications.
Pourquoi avoir misé gros sur My Hero Academia ?
Le processus d’acquisition date de 2014. Je suis rentré dans le manga par le shonen et la shonen nekketsu, c’est un genre que j’adore et que j’ai adoré quand j’étais gamin mais duquel, avec le temps, je me suis un peu détaché parce qu’une fois qu’on connaît les routines, cela fonctionne moins sur nous quand on est adulte que quand on est adolescent.
"'My Hero Academia', quand je l’ai vu, il y a eu le pouvoir magique de me remettre dans la peau du lecteur que j’étais quand j’étais adolescent. J’ai retrouvé tout l’optimisme, les sensations que je retrouvais dans mes lectures d’adolescents."
Ahmed Agneà franceinfo
À l’époque, cela coupait beaucoup avec ce qui était à la mode en shonen, des choses de plus en plus dark, violentes, nihilistes parfois. Je me suis dit que si ça touchait un vieux routard comme moi, il y avait de grandes chances que ça touche un public qui ressemble à ce qu’on était adolescent.
Lorsque vous avez choisi de faire une offre pour My Hero Academia vous n’étiez pas ceux qui ont mis le plus d’argent. Qu’est ce qui a fait la différence ? Pourquoi vous ont-ils choisi ?
Je me le demande encore. On n’y croyait pas quand on s’est positionné sur le titre. J’ai dit à mes équipes qu’on avait 0,01% de chances de l’avoir mais qu’il fallait qu’on montre à l’éditeur qu’on aime profondément le titre et qu’on est prêt à tout mettre dans notre plan marketing, dans notre plan pour défendre la série pour faire en sorte que cela touche le cœur de cible et que cela le dépasse très largement. On a fait des choses qui n’avaient jamais été faites. On avait décidé de caler le lancement de My Hero Academia en faisant une campagne de pub au cinéma qui était calée sur la sortie d’Avengers. My Hero Academia c’était une mythologie complètement neuve, cela commence au tome 1, c’est accessible à tout le monde sans avoir besoin de référence. C’est ce qu’on a essayé de mettre en avant et on a dû être convaincants.
Ce qui fait la force de Ki-oon, c’est la création. Vous ne faites pas qu’acheter des licences, vous produisez aussi directement des œuvres avec les auteurs. Où en êtes-vous ? Quel est votre objectif ?
Aujourd'hui en termes de production, on est autour de 15% du catalogue annuel. Si nous n’avons pas plus développé les créations c’est parce qu’on a vendu beaucoup plus que ce qu’on aurait imaginé au départ à l’étranger, notamment au Japon. On a développé beaucoup de choses au-delà du papier, des projets audiovisuels qui sont très chronophages. On a passé beaucoup plus de temps sur ces licences que ce qu’on avait prévu au départ. Donc, il y en a moins en nombre, mais en qualité de ce qui est développé autour on est largement au-dessus de l’objectif. On compte poursuivre avec les créations originales. Lorsqu’on a ouvert notre bureau à Tokyo en 2015, il n’y avait qu’une seule éditrice et aujourd’hui elles sont trois. Elles sont à 100% consacrées à trouver des auteurs au Japon et à développer des projets avec eux.
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