"La République du catch" brillant retour de Nicolas de Crécy avec un manga
Nicolas de Crécy, auteur de BD depuis 20 ans, avait décidé de faire une pause. " Ça n’est pas la peine de devenir un fonctionnaire de son propre travail", se confiait-il en 2011 dans un entretien à L'obs.
"Tracer des cases sur une feuille, je ne peux plus", disait-il, alors qu'il venait de publier et d'exposer "500 dessins" (Barbier et Mathon, 2011). "Peur de la redite", "saturation", l'auteur "de "Léon la came" (Casterman 2010) ou de "New York sur Loire", n'y arrivait plus.
Et c'est un éditeur japonais de la revue "Ultra-Jump" qui réussit finalement à le convaincre : "C'est quand même exceptionnel que l'on propose à un non-japonais une publication en revue", explique aujourd'hui le dessinateur dans la présentation de l'album. Il réfléchit encore pendant un an, et se lance dans l'aventure. Un challenge puisque la publication en épisodes l'oblige à produire 23 pages par mois. Et même s'il avait pris de l'avance, il avoue avoir dû "foncer" pour écrire cette histoire.
Attention bébé méchant !
Mario, un tout petit bonhomme à lunettes, tient une boutique de pianos dans une ville qui ressemble à New York-sur-Loire. Il n'a qu'un ami, un gentil manchot musicien, dont les notes déplacent le piano. Du côté de sa famille, on trouve plutôt les méchants : Sylvio, Rodrigos, Enrico, "pas des tendres, plutôt du genre agressif", la mafia autant dire. Mais le pire, c'est Enzo, son neveu. Un bébé. Le plus méchant. Le chef du clan.Du côté de l'amour, ce n'est pas la joie non plus. "Je garde espoir de toucher un jour la peau d'une femme", avoue Mario, qui aime Bérénice, une catcheuse à fort caractère, membre de la République du catch, le royaume de ses cousins. Mario se tient prudemment à l'écart de la famille, jusqu'au jour où Enzo le convoque pour lui confier une mission…
Le dynamisme du manga
Nicolas de Crecy confie ne pas très bien connaître l'univers du manga. Il dit avoir lu les classiques, Taniguchi, Otomo, et quelques autres. "Impossible de cerner l'art du manga", dit-il. "Le seul véritable point qui me paraît évident est une maîtrise de la mise en scène, avec quelque chose de toujours très dynamique. Le dessin est vraiment une écriture, c'est sans doute lié à l'écriture même au Japon, qui est dessinée", explique Nicolas de Crécy, qui connait très bien ce pays. Il y a séjourné en résidence en 2008 ("Les carnets de Kyoto", éditions du Chêne, 2012).Nicolas de Crecy a emprunté à la culture japonaise, en la transposant : sous sa plume les sumos sont devenus des catcheurs, et les yōkai des fantômes. "L'idée était de faire quelque chose d'international avec des personnages et des situations portés par des thématiques japonaise", explique le dessinateur, qui ne se voyait pas faire un vrai manga, "les Japonais n'ont pas besoin de moi pour ça", ajoute-t-il.
L'éloge de la faiblesse
Dans cette aventure un peu polar, un peu fantastique, Nicolas de Crécy oppose deux mondes : celui de la République du Catch, des êtres d'aujourd'hui, cyniques, clairement du côté des forts ("la philosophie de la République du catch passe par le muscle"), persuadés que le bonheur passe par la technologie. En face, Mario, sa vieille boutique de pianos, son manchot, sa musique, et les fantômes, "les ratés, ceux que le monde ne veut plus voir, la poubelle du monde, l'échec, l'autre côté de la médaille". Au milieu la solitude, et pour tous une grande difficulté à aimer.Avec sa "République du catch", Nicolas de Crécy signe un brillant retour à la BD, en s'emparant d'un genre qu'il réinvente avec la singularité de ses univers, et enrichi de ce qu'il a glané en empruntant d'autres chemins.
La République du catch Nicolas de Crécy (Casterman - 220 pages - 22 euros)
"La République du catch" a été prépublié entre août 2014 et mars 2015 dans la revue japonaise Ultra Jump, et sera publiée en simultané au Japon par la Sheisha Publishing.
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