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INTERVIEW Posy Simmonds : "Cassandra Darke", le roman graphique de la Grande-Bretagne du Brexit

Posy Simmonds signe "Cassandra Darke" (Denoël Graphic), un roman graphique mettant en scène une affreuse grosse bonne femme londonienne, riche et égoïste. Une peinture de la Grande-Bretagne du Brexit, "qui n'a pas beaucoup changé depuis Dickens", estime la dessinatrice. Rencontre.

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Posy Simmonds à Paris, avril 2019
 (Laurence Houot / Culturebox)

La plus anglaise des dessinatrices anglaises, Posy Simmonds, auteure de Gemma Bovery et de Tamara Drewe (Denoël Graphic 2000 et 2008), était à Paris pour présenter Cassandra Darke, son dernier roman graphique, et faire une visite de l'exposition qui lui est consacrée à La Ferme Du Buisson au Festival Pulp. Oeil pétillant, sourire en coin, Posy Simmonds nous dévoile les secrets de Cassandra Darke, son anti-héroïne inspirée par l'affreux Scrooge qui sévit dans Un chant de Noël (1853), de Charles Dickens.

L'histoire : une affaire de meurtre et de réseau de prostitution

L'histoire commence avec une coupure de journal : novembre 2017, le corps d'une jeune femme a été retrouvé dans un bois. Un mois plus tard, à la veille de Noël, les ennuis commencent pour Cassandra Darke, riche galeriste londonienne. Les malversations qu'elle a commises dans sa galerie sont découvertes et lui valent une condamnation à une peine de prison avec sursis et à des travaux d'intérêt général. Au même moment, cette femme riche et indifférente au monde qui l'entoure découvre dans la salle de bain un petit cadeau abandonné par Nikki, sa belle-fille (la fille de son mari) qu'elle a accueillie un an plus tôt dans son sous-sol. Ce revolver et ce gant rose ont-il un rapport avec le cadavre de la jeune fille retrouvé dans les faubourgs de Londres ? Cet événement va-t-il obliger Cassandra à s'intéresser à autre chose qu'à elle-même ?

"Cassandra Darke", Posy Simmonds page 27 (Denoël Graphic) 
Cassandra Darke, l'héroïne de ce nouveau roman graphique de Posy Simmonds, n'a rien à voir avec ses deux précédentes héroïnes, les pulpeuses Gemma Bovery ou Tamara Drewe. Gérante de la prestigieuse galerie d'art moderne de son mari à Londres, Cassandra Darke est une vieille dame anglaise acariâtre et misanthrope. Elle vit seule dans une grande maison luxueuse du riche quartier de Chelsea à Londres, avec son petit chien Corker, le seul être vivant semblant trouver grâce à ses yeux. "C'est une femme riche, et grosse et très méchante", résume Posy Simmonds.

 
INTERVIEW Posy Simmonds

Une peinture sociale de la Grande-Bretagne d'aujourd'hui

"Cassandra a une cuisinière, un jardinier, un chauffeur, une femme de ménage. Elle peut vivre sans travailler et elle n'est pas du tout consciente des soucis des autres", explique Posy Simmonds, qui a voulu montrer les réalités du Londres d'aujourd'hui à travers cette femme égoïste. Posy Simmonds aime s'emparer des personnages de la littérature. Gemma Bovery était inspirée de l'héroïne de Flaubert, Tamara Drewe de Batsheba Everdene, l'héroïne de Loin de la foule déchaînée, de Thomas Harding. Cette fois, c'est l'affreux Scrooge de Dickens, un homme donc, qui a inspiré le personnage de Cassandra.

"Cassandra Darke", Posy Simmonds page 27 (Denoël Graphic) 
"Je marche beaucoup à Londres, et il me vient souvent à l'esprit qu'il y a beaucoup de similitudes entre Londres de nos jours, et Londres de Dickens. Il y a une disparité entre les riches et les pauvres, qui me semble être exactement identique. Et même, j'ai l'impression qu'aujourd'hui les quartiers riches sont devenus plus riches, et les quartiers pauvres sont de plus en plus pauvres. Aujourd'hui, même si dans un couple les deux travaillent, ils ne gagnent pas assez pour vivre ou pour payer le loyer", poursuit-elle. "A Londres dans les magasins, les prix sont de plus en plus élevés, il y a de plus en plus de mendiants, de sans abri dans la rue".

Le style Posy Simmonds

On retrouve avec ce nouveau roman graphique la méthode Posy Simmonds, qui fait merveille. Un dispositif né des contraintes de la presse, nous explique la dessinatrice, qui a commencé à publier ses histoires sous forme de feuilleton dans les pages du Guardian. "Quand ils m'ont montré le format, vertical, je me suis dit waouh comment vais-je bien pouvoir faire entrer toutes les informations de l'intrigue dans ce petit espace vertical ! Et c'est comme ça que j'ai commencé à glisser des paragraphes de texte dans les planches, pour tout faire rentrer et faire avancer l'histoire", confie la dessinatrice qui ajoute avoir perfectionné sa méthode au fil de ses romans.

"Cassandra Darke", Posy Simmonds page 22 (Denoël Graphic)
Une narration impeccable, où textes et dessins forment un tout parfaitement cohérent. La dessinatrice croque Londres et ses habitants, traque les postures, peint les décors et les objets avec une précision de documentaliste. "C'est comme quand on prépare un film, on fait le casting pour trouver les personnages, puis ensuite on cherche les décors et les accessoires. J'aime beaucoup observer, j'ai toujours une oreille qui traîne, quand je prends le bus, par exemple", confie la dessinatrice.

On est happé par l'intrigue, on se régale des détails, l'écriture est fluide, et l’atmosphère allégée par l'humour de la dessinatrice. "On peut faire passer beaucoup de choses avec l'humour, je crois que c'est très anglais", conclut Posy Simmonds. 

On vous recommande chaudement la lecture de "Cassandra Darke". L'exposition du travail de la dessinatrice, organisée dans le cadre du festival Pulp à la Ferme du Buisson, très immersive et ludique, est à voir jusqu'au 28 avril 2019.

 
Cassandra Darke, Posy Simmonds, traduit de l'anglais par Loli Sztajn
(Denoël Graphic - 96 pages - 21 €)

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