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Fukushima : un manga "vécu" raconte le démantèlement de la centrale
Kazuto Tatsuta s'est fait embaucher à la centrale de Fukushima après la catastrophe du 11 mars 2011. Dans un manga baptisé "Au coeur de Fukushima", qui vient de paraître aux éditions Kana, il livre un témoignage unique du quotidien d'un travailleur chargé du démantèlement de la centrale 1F .
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Le mangaka décrit les postes qu'il a occupés en 2012 et 2014
Son récit, une plongée inédite dans la vie d'un ouvrier du nucléaire, aucun journaliste ni aucun expert n'aurait pu le raconter. Car Kazuto Tastuta (un nom d'emprunt), a beaucoup travaillé dans la centrale : d'abord six mois en 2012, jusqu'à avoir atteint la dose limite annuelle de radiations (20 millisieverts), puis de nouveau deux ans plus tard. Fruit de ce vécu, son manga est donc très documenté."Je suis mangaka au départ et comme j'étais désoeuvré, je me suis dit que je pouvais peut-être travailler un temps dans la zone sinistrée. Finalement, j'ai atterri à la centrale Fukushima daiichi", explique-t-il.
"Au départ, je n'avais pas particulièrement l'intention d'en faire des dessins, mais je me disais que si la réalité sur le terrain était trop
différente de l'image qu'en présentaient les médias, cela pouvait peut-être valoir la peine d'en faire un manga, pour montrer ce qu'il en était réellement. Je voulais aussi laisser une sorte d'enregistrement de la façon dont les gens travaillent sur place", détaille-t-il.
Un témoignage précieux sur les conditions de travail
A l'instar de Kazuto Tatsuta, beaucoup de ces ouvriers ne sont pas des professionnels du secteur du nucléaire. L'auteur insiste sur la banalité des travailleurs de la centrale."Avant d'aller à la centrale, je lisais partout que la situation y était terrible. J'avais tendance à penser que ce n'était pas nécessairement le cas, et quand j'y suis allé, ce n'était pas si horrible que cela car je travaillais dans l'espace de repos. Là oeuvraient des travailleurs normaux dans un lieu de travail normal, sans plus, telle fut ma première impression".
Pas de réflexion ici sur l'avenir du nucléaire, sur les conséquences de l'accident sur l'environnement, "ce n'est pas mon propos", explique-t-il. En revanche, le lecteur en apprendra beaucoup sur les conditions de travail de ces ouvriers peu qualifiés et, le plus souvent, originaires de la région sinistrée.
La peur des radiations
"La deuxième fois, en 2014, je m'occupais d'accompagner les robots dans les bâtiments de réacteurs. Je le faisais en mettant vraiment du coeur à l'ouvrage. Il fallait songer à se protéger de la radioactivité de diverses manières et prendre davantage d'initiatives personnelles pour ne pas être trop exposé, et de ce point de vue c'était intéressant", relate-t-il.Il y a la peur des radiations parmi les ouvriers dont le quotidien est rythmé par des contrôles (de radioactivité et d'identité) et des séances à répétition de déshabillage/rhabillage et port du masque. Mais l'auteur insiste aussi, au risque d'apparaître assez naïf, sur la camaraderie qui unit ces travailleurs. "On s'y marre et, pour moi, c'était un lieu de travail très agréable", ose-t-il.
Un manga à succès, critiqué pour sa complaisance
Le récit de ce mangaka, qui a choisi un pseudonyme pour pouvoir retourner travailler à Fukushima, est d'abord paru au Japon en feuilleton dans un hebdomadaire en octobre 2013 avant d'être publié en 2014. Trois tomes sont parus au Japon et il pourrait y avoir une suite s'il y retourne, comme il dit le souhaiter.Au Japon, où le manga va au-delà du divertissement, son livre a rencontré un important écho même s'il a parfois été accusé de décrire la gestion des travaux sous un jour trop positif, en particulier vis à vis de l'opérateur Tepco.
Après le tsunami de mars 2011, il a fallu six mois pour reprendre le contrôle des installations de la centrale de Fukushima. Selon le gouvernement et Tepco, il faudra 40 ans pour terminer les opérations de démantèlement.
En cinq ans, depuis mars 2011, 46.490 personnes ont travaillé sur le site dans des conditions qui restent pénibles mais se sont améliorées ces deux dernières années, grâce à une réduction de la radioactivité ambiante sur les deux tiers du site et la construction de salles de repos.
"Au coeur de Fukushima" de Kazuto Tatsuta (éditions Kana)
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