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En 2016, la BD va nous aider à comprendre le monde

9e art, la BD investit depuis quelques années de nouveaux territoires comme l'actualité ou les sciences. Une "BD du réel" a vu le jour. 2016 confirme cette tendance avec la sortie de plusieurs albums, collections ou revues, qui se donnent pour mission de décrypter le monde. Il y en a pour tous les âges, et dans tous les domaines, de la sociologie, en passant par l'actualité ou les sciences.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 11min
Groom, Sociorama, La Petite bédéthèque, Topo... Quand la BD éclaire le monde

Les vertus pédagogiques de la BD

Actualité, histoire, sciences … La bande dessinée s'est depuis quelques années déjà emparée du réel avec des revues, des albums, des collections. Les éditeurs BD ont trouvé là matière à glaner de nouveaux lecteurs, et les éditeurs non spécialisés s'y aventurent depuis qu'ils ont découvert les vertus pédagogiques de la BD pour parler de sujets qu'une littérature plus classique rendent souvent difficilement accessibles, voir carrément rebutantes pour un large public.

Les éditions Les Arènes, ou Dunod ont déjà franchi le pas, d'autres, comme Eyrolles, sont sur le point d'en faire autant. La BD permet est aussi un média qui permet d'aller sur tous les terrains avec discrétion, et qui ne nécessite pas une armada de moyens."C'est un média formidable pour ça", nous soulignait récemment à Angoulême Lisa Mandel, l'auteur de "HP" (L'association), un roman graphique sur l'univers psychiatrique, et de "La fabrique pornographique" (Sociorama/ Casterman).  "On peut tout faire. C'est beaucoup plus facile et discret d'entrer partout avec un petit carnet et un crayon qu'avec une caméra. On peut rendre compte d'une réalité sans contrainte de budget, on peut exploser un avion en plein vol, ça coûte pas un rond en effets spéciaux. Et puis ça rend la digestion plus facile aussi", nous confiait-elle. 

Bref, la BD comme média  pour expliquer le monde, ça marche, et les lecteurs disent oui. On ne compte plus les succès de ce type de publications, de "La revue dessinée", qui propose chaque trimestre des enquêtes en BD  (20 000 exemplaires vendus à chaque numéro), à des ouvrages très volumineux et sérieux comme "Economix" de Dan Burr et Michael Goodwin (Les Arènes),  une  histoire de l'économie en BD (70 000 exemplaires vendus depuis sa sortie en 2013). Succès aussi de "Tu mourras moins bête" (Delcourt), de Marion Montaigne, les explications scientifiques du professeur Moustache ont récemment été adaptées en série animée pour Arte.
"Les rêveurs lunaires" (Gallimard BD, 2015), la vie de quatre scientifiques qui ont changé le monde, racontée par une le mathématicien Cédric Villani et le dessinateur Edmond Baudoin. "Le grand A", de Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer (Futuropolis, janvier 2016) raconte l'implantation en 1972, en périphérie d’Hénin-Beaumont du  plus grand hypermarché de France, le Grand A. Une enquête au long cours, sur les conséquences de cette installation, qui décortique le fonctionnement de la grande distribution à travers l'exemple d'Henin Beaumont. Faire la liste de tous les excellents albums BD de "non fiction" serait beaucoup trop long. Et même les revues généralistes comme la revue XXI   ou le 1 hebdo recourent à la BD pour éclairer leurs lecteurs le monde. Un engouement qui pousse les éditeurs à creuser, ou à se lancer.

Petit tour d'horizon de ce que l'année 2016 réserve

SOCIORAMA (Casterman)
 
C'est quoi ?
Une collection co-dirigée par une auteure de BD, Lisa Mandel, et une sociologue, Yasmine Bouagga. "Sociorama", qui associe le travail de jeunes sociologues de l'ENS et de jeunes auteurs de BD.
Pour qui ?
Un public adulte (le premier numéro, signé Lisa Mandel, explore le monde de la pornographie)
Sa mission
"Tout le monde s'intéresse à la sociologie, mais tout le monde n'a pas le temps de se plonger dans des livres de 300 pages", explique Yasmine Bouagga, sociologue et co-directrice de la collection. "Souvent enfermés dans leur jargon et leurs théories, les sociologues ont trouvé dans la BD un moyen de plonger dans les univers sociaux de manière plus accessible", dit-elle. D''où l'idée d'une collection qui marie auteurs de BD et Sociologues.
Son contenu
Une fiction, construite exclusivement à partir des éléments d'une étude sociologique.
"La fabrique pornographique", Lisa Mandel (page 22)
 (Lisa Mandel / Sociorama-Casterman)
Son format 
Format grand poche (16x19 cm), 168 pages en noir et blanc. 6 albums prévus par an. 12 euros.
Où trouver les albums de Sociorama ?
Dans les librairies. Ils sont aussi disponibles en version numérique.
Le site de Sociorama
Pour en savoir plus : lire "La fabrique pornographique", de Lisa Mandel : une plongée dans le monde du X en bandes dessinées". 


LA PETITE BEDETHEQUE DES SAVOIRS (Le Lombard)
 
C'est quoi ?
12 titres par an, publiés en trois fois. Des petits livres, entre le  "Que sais-je" et le "Découvertes" de Gallimard, en version avec cases et bulles. "Projet n°1 du Lombard en 2016", selon Nathalie Van Campenhoudt, éditrice au Lombard, chargée du projet avec le dessinateur David Vandermeuken.interrogée par Livres Hebdo
Pour qui ?
Plutôt les adultes, à partir de 16 ans. Tous "ceux qui aiment la BD et ceux qui n'imaginent pas qu'ils peuvent aimer la BD", précise  Nathalie Van Campenhoudt.
Sa mission : un spécialiste et un dessinateur s'unissent pour faire comprendre le monde en bande dessinées. Sujets abordés : sciences, histoire, philosophie, littérature, droit, géographie, technique, zoologie, économie, théologie, etc… mais aussi des thèmes plus actuels, tels que la pop culture ou les questions de société.
Son contenu
Un petit texte d'introduction, rédigé par le dessinateur David Vandermeulen. Puis une histoire en bandes dessinées, qui met en scène le sujet traité, avec ou sans base fictionnelle. Les différents dessinateurs s'emparent du sujet librement, ce qui donne une variété de styles à la collection. Sur des textes de Jean Noël Lafargue, on retrouve le trait vivant et drôle de Marion Montaigne qui explique l'intelligence artificielle en racontant une histoire SF où un robot nommé Gladys voyage dans le temps pour comprendre ses origines.  Pour conter la saga du Heavy Metal avec Jacques de Pierpont, Hervé Bourhis utilise une narration moins linéaire, très touffue (qui ressemble en cela à la maquette des Découvertes Gallimard), jouant sur les aplats noirs et rouges et des typos qui collent au sujet. Daniel Casanave et Julien Solé ont adopté une narration plus classique. Hubert Reeves et Bernard Séret sont à la fois auteurs et personnages principaux de "L'univers" et "Les requins". A la fin de chaque album, les auteurs proposent lectures ou films pour aprofondir le sujet. 
  (Daniel Casenave)
Son format
Cartonnés, en format grand poche, (139,5 x 196 mm), 72 ou 88 pages couleurs, ils sont vendus 10 euros pièce. Le format des albums de "La Petite bédéthèque des savoirs" est particulièrement réussi. Si chaque numéro présente un graphisme bien tranché, la couverture signe une identité bien marquée
Les 4 premiers numéros sortent le 4 mars :
- "L'intelligence artificielle" Jean Noël Lafargue et Marion Montaigne
- "L'univers", Hubert Reeves et Daniel Casanave
- "Les requins" Bernard Séret (biologiste marin au Museum national d'histoire naturelle, requinologue) et Julien Solé
- "Le heavy Metal" Jacques Pierpont (journaliste à LA RTBF), Hervé Bourhis
Sont prévus pour l'année des albums consacrés entre autres au hasard, au tatouage ou à la prostitution. Pour présenter cette nouvelle collection du Lombard sont prévues une série de conférences en présence des auteurscourant février et une exposition au salon du livre de Versailles, avec des espaces thématiques présentés sous la forme de cabinets de curiosités ainsi qu’une sélection de planches originales sur plus de douze sujets sont au programme . 
Où trouver les albums de la petite Bédéthèque ?
En librairie 
Le site de La petite bédéthèque


GROOM (Spirou)- Éditions Dupuis
 
C'est quoi ?
Un magazine lancé par le magazine Spirou à la suite du succès du numéro spécial Charlie Hebdo.
Pour qui ?
De 8 à 14 ans (on serait tenté de dire de 7 à 77 ans). Mais aussi pour les enseignants qui peuvent utiliser Groom comme support pédagogique. Le magazine a d'ailleurs prévu des dossiers d'accompagnement, par tranches d'âges, disponibles en ligne.
Sa mission
Décrypter l'actualité, vulgariser l'information.
Son contenu
Des reportages, des dépêches, des questions techniques, des dossiers, des jeux, des décryptages. De nombreuses collaborations (plus de 50 auteurs, comme Nob, Lupano, Munuera, Boulet…) avec un résultat riche, varié, ludique. Le premier numéro, sorti en kiosque début janvier, revient sur l'actualité de l'année 2015. De quoi faire, avec les attentats de Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre, en passant par la Coop 21, le scandale de la FIFA ou la crise ukrainienne. Des belles histoires aussi comme celle de Wilfrid Lupano, qui raconte sa formidable aventure : il est allé à la rencontre des habitants  de la forêt amazonienne pour réaliser des histoires courtes en BD qui parlent de leurs problèmes de santé. Un projet de l'OMS, avec l'idée "d'utiliser au maximum le dessin pour communiquer auprès des populations qui lisent peu et qui ont des cultures essentiellement orales". "Nous avons pu voir à quel point la bande dessinée est un formidable moyen de communication, qui peut toucher tout le monde, toutes les cultures, toutes les générations", conclut Wilfrid Lupano. CQFD ! Certaines pages sont très informatives, d'autres peuvent sensibiliser avec des images et des textes évocateurs, comme "Voir la mer", signée Nob, très émouvantes.
  (Nob)
Son format
Cent pages couleurs, format magazine, 6,90 euros.
Où trouver Groom ?
Chez les marchands de journaux ou en ligne.
Le site de Groom
Pour en savoir plus, lire Groom, nouveau magazine BD sur l'actualité


TOPO  (La Revue dessinée)
Disponible à partir de septembre 2016
 
C'est quoi ?
Une revue sur le modèle de "La Revue dessinée", sa grande sœur, qui propose à un public adolescent cette fois des reportages en BD sur les grands sujets d'actualité.
Pour qui ?
Les jeunes de 12 à 15 ans, mais aussi les fans de BD, ou les adultes ou enseignants qui ont besoin de supports pédagogiques.
Sa mission
Topo se donne pour mission de décrypter l'actualité, sous forme de reportages, chroniques ou vulgarisation scientifique. La revue espère ainsi servir "d'antidote" ou de "traitement préventif à la désinformation", et de développer ainsi le sens critique de ses lecteurs.
Son contenu
Deux longs reportages d'actualité, un portrait, une question technique, un mot et une image décryptée. De la culture générale, avec des chroniques cinéma, littérature, musique, jeux vidéo, sciences. Une touche de fiction (un feuilleton, un extrait d'une BD étrangère), et aussi des pages gag.
Son format
144 pages couleurs, parution bimestrielle.
Où trouver Topo ?
A partir de septembre 2016, dans les librairies, les point Relay ou sur abonnement.
Le site de Topo

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