De Blast à Valérian : tout l'art de Manu Larcenet
Blast, le film
Manu Larcenet jubile. Il est sur le point de signer l’adaptation au cinéma de sa série Blast. Le producteur a les reins solides et le veut comme réalisateur. Le dessinateur aurait tous les droits : choix des acteurs, équipe technique, lieu de tournage. Ce dernier point l’inspire. Il imagine aller faire son film en Mayenne, en décors naturels. C’était le lieu de vacances de son enfance. C’est un endroit, dit-il, de désespérance, un de ces lieux où l’histoire a mal tourné, où le boulot s’en est allé. Les paysages dégagent selon lui tristesse et ennui, même si enfant, c’était son terrain de jeux préféré.
Valérian
Manu Larcenet est un homme apaisé, qui mesure sa chance et le chemin parcouru. Quinze ans de psychanalyse lui ont permis de chasser de vieux démons, ou plutôt de les éloigner, de vivre avec. Pour rien au monde Manu Larcenet ne bouderait les jours heureux de son destin, désormais. Quand son éditeur Dargaud lui propose, il y a quelques mois, d’adapter à sa manière la célèbre série de Christin et Mézière, « Valérian » , il a d’abord pris peur, puis a dit oui : pour le plaisir d’inaugurer un grand hommage à une BD culte de sa génération. Quant à la façon de sortir de la pression d’un tel challenge, Manu a choisi la pirouette, et l’humour. Dans cet album, « L’Armure de Jakolass », il compose un Valérian et un scénario tout droit sortis de ses meilleures heures chez Fluide Glacial, service au bar compris.
Le Combat Ordinaire, un succès immense
Le plaisir de la reconnaissance en BD, Manu Larcenet l’a ressenti pour la première fois avec ses séries "Le Combat Ordinaire", et "Le Retour à la Terre". Il a alors touché un très large public, et surtout des femmes, longtemps tenues éloignées du genre. Il faut dire que ces séries semi-autobiographiques, teintées d’humour, de dérision et de réalisme tendre, avaient de quoi toucher au cœur, et faire rire, même lorsque que l’on n’a encore aucun des codes du neuvième art.
Blast, au sommet de son exigence
Blast provoqua à Manu Larcenet un second émerveillement : on pouvait, en étant intransigeant, exigeant, et fidèle à son idée, toucher le public. Manu Larcenet s’en amuse volontiers. Il sait que peu d’éditeurs lui auraient donné le feu vert, avec son idée de départ et le choix délibéré de ce trait noir, austère, avec cette lenteur de récit, l’obésité du personnage, la part sombre et mystérieuse de l’histoire. Il a trouvé un homme confiant en son éditeur, et s’est lancé, sans plus d’explication de texte.
Manu avoue regarder rarement ses anciennes BD, les dessins sont pour lui trop imparfaits, mal finis. Pour Blast, changement d’allure. Chaque case, chaque page est ciselée, jusqu’à entière satisfaction. Pas d’échéance fixe, la livraison est faite quand le tome est terminé. Cette quête de l’exactitude, du dessin à la fois silencieux et éloquent est ardue, parfois décourageante, parfois jubilatoire. Comme lorsqu’il découvre que les dessins de ses enfants seront l’unique touche de couleur de son album, celle qui symbolise le mystérieux « Blast ». Mais Manu Larcenet le dit malicieusement : plus tard, il n'aura peut-être plus le courage, l'énergie, pour esquisser son propre chef-d'oeuvre. C'est maintenant ou jamais...
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