"Charb a toujours été là" : Luz s'en prend avec humour aux codes de la masculinité dans sa dernière BD dédicacée à son ami de Charlie Hebdo
Blouson de cuir, lunettes noires et verres fumés, le dessinateur Luz s'avance dans les locaux du quotidien Paris Normandie. Il a donné rendez-vous à une poignée de fans, cinq exactement, pour une séance de dédicace en petit comité, un événement organisé par la librairie rouennaise Au grand nulle part. L'ex-collaborateur de Charlie Hebdo vit depuis janvier 2015 sous protection policière. Cela faisait dix ans qu'il n'avait pas participé à une séance de dédicaces. Celle-ci a donc une saveur toute particulière. "C’est la première fois que je vais revoir des gens de l’extérieur, confie-t-il dans une interview accordée au journal Paris Normandie. C’est beaucoup pour moi. C’est très important car, un bouquin, pour moi, c’est un dialogue. Et j’en étais privé. Je vais pouvoir me lire dans le regard de mes lecteurs et mes lectrices."
Une maladie qui le prive de testostérone
Parmi les lecteurs conviés ce jour-là, Gekko Hopman, à la fois troublé et reconnaissant. "C'est très émouvant, témoigne-t-il intimidé. C'est quelqu'un que j'admire depuis longtemps, depuis les années techno avec ses papiers dans Charlie Hebdo où il parlait de ses rave party." "J'espère que ça va te plaire," lui glisse Luz beaucoup plus à l'aise.
Testosterror, la nouvelle BD de Renald Luzier alias Luz, publiée aux éditions Albin Michel, est un concentré d’humour sur le péril mâle. Elle bouscule les codes de la virilité et met en scène Jean-Pat, caricature du Français moyen atteint par une maladie qui le prive de sa testostérone. Panique à bord, car peu à peu, tous les hommes sont contaminés.
"Au début, avant de faire Testosterror j’avais prévu de faire une bande dessinée assez sérieuse, témoigne le dessinateur. J’avais fait une trentaine de pages et j’ai tout jeté, je me suis rendu compte qu’il fallait mettre de l’humour. On fait plutôt des révolutions de genre ou des révolutions culturelles avec le sourie aux lèvres plutôt qu’avec les sourcils froncés."
Le sourire, Luz l'a retrouvé, assurément. Mais la thématique qu'il aborde dans Testosterror est bien plus sérieuse qu’il n’y paraît. Celle des injonctions masculines. Et des hommes qui les entretiennent. Testosterror interroge tout un système, et rit de l’imaginer s’effondrer.
Ce sont les hommes qui finalement obligent les hommes à devenir des hommes et à se draper dans un costume de super-héros, un type surpuissant qui retient ses émotions, un costume qui finalement est un peu étriqué pour eux.
Luzauteur de "Testosterror"
En souvenir de Charb
Huit ans après les attentats de Charlie Hebdo où les frères Kouachi ont assassiné 12 personnes dans les locaux du célèbre journal satirique, c’est à Charb, son complice de toujours, que Luz a dédicacé cet album. Le caricaturiste qui se trouvait dans la salle de rédaction est décédé le 7 janvier 2015 aux côtés de Cabu, Wolinski, Honoré et Tignous.
"Le souvenir de Charb, le souvenir de ce qu’on a vécu ensemble, le souvenir des conneries qu’on a faites ensemble a été une espèce de fil rouge dans ce livre, raconte Luz. Effectivement à un moment donné je me suis dit je dédicace ce livre à Charb parce qu’il a toujours été là."
Pour Luz, Testosterror est donc un retour aux sources. L’occasion de se confronter à nouveau son public avec un art qu’il maîtrise à la perfection, la caricature.
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