Le street art, une autre manière de découvrir Paris
"Oh c’est le tag de Obey !", lance spontanément Medhi, 12 ans, en voyant un graffiti sur le trottoir d’en face. Avec une quinzaine d’autres adolescents d’un centre de loisirs de Saint-Mandé, il participe à une visite guidée de street art dans les rues du quartier de Belleville à Paris. Il suffit de lever les yeux en flânant dans la capitale pour trouver du street art à tous les coins de rue. Il est même si présent qu’on l’oublierait presque. "On en voit tous les jours, ça devient banal", confient les ados pendant la visite. Le site Underground Paris, entièrement dédié à l’art urbain, organise des visites guidées au fil des grandes œuvres de street art, pour que Parisiens et simples touristes recommencent à les remarquer.
Antoine, l’un des quatre employés d’Underground Paris et lui-même street artist à ses heures, est notre guide pour les trois heures de visite. Et même s’il a exceptionnellement affaire à des jeunes, certaines œuvres n’ont plus besoin d’être présentées. Dans le groupe de Saint-Mandé, beaucoup comme Mehdi semblent connaître Shepard Fairey, alias Obey, un street artist connu dans le monde entier pour le poster "Hope" qui a marqué la campagne de Barack Obama en 2007.
Le street art, partie intégrante du paysage urbain
Les visites guidées de street art existent déjà dans quelques grandes villes comme Londres ou New York. Depuis sa création en 2002, Underground Paris organise une visite guidée (de trois heures environ) chaque semaine au départ du métro Parmentier. D’autres visites, privées ou en groupe, sont organisées selon les demandes. Il faut compter 20 euros pour la visite hebdomadaire (15 euros en réservant à l’avance sur le site internet). Les visiteurs peuvent même avoir la chance de croiser un artiste en plein ouvrage, comme HNRX ce jour-là dans la rue Dénoyez.
Pour Julien, directeur du centre de loisirs, il s’agit de "faire découvrir aux enfants de nouvelles tendances, et le street art en est une." Alors que l’une des adolescentes du centre reconnaît d’emblée l’artiste Space invader en voyant sur un mur un petit personnage de jeu vidéo en mosaïque, Mehdi est même capable de raconter pourquoi il préfère l’art urbain américain à celui des Français : "J’ai de la famille aux Etats-Unis qui est un peu dans le street art. Là-bas, la police est beaucoup moins à cheval sur ce sujet. Les artistes y sont plus engagés et sont beaucoup dans le détournement des images et des personnages connus. Ils ont plus d’idées. Ici, les tags sont aussi plus dégradés."
Avec le street art, "il faut se comporter comme un enfant"
D’autres visites guidées de street art, plus informelles, sont organisées à Paris par de simples passionnés. Kasia Klon, une artiste polonaise de 28 ans arrivée dans la capitale en mars dernier, organise les siennes, en anglais, depuis le mois d’avril. Elle balade ses clients dans le 13e arrondissement, où l’art urbain est très vivant, notamment grâce à la galerie de street art Itinerrance, qui commissionne des artistes, en partenariat avec la mairie d’arrondissement, pour transformer les murs du quartier.
Pour l’instant, elle ne marche que grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, sur lesquels elle annonce ses visites guidées. Terry par exemple, une Américaine de 56 ans, a connu ce rendez-vous grâce au site Meet up, un réseau social qui met en relation des personnes ayant un intérêt commun : "Je suis intéressée par tous les arts graphiques, j’aime beaucoup les mangas, les bandes-dessinées, et même la publicité. Tout ce qui permet de susciter une émotion avec peu de choses."
Avec le street art, "il faut se comporter comme un enfant, selon Kasia. Toujours regarder autour de soi, partout." Et c’est précisément selon ce principe que Kasia fait découvrir ce quartier qu’elle connaît si bien. Au détour d’une rue par exemple, elle demande à tous les participants de se mettre en file indienne contre un mur. On frôle le mur lentement, puis on en touche les fissures et les trous. "Il paraît simplement endommagé n’est-ce pas ?", interroge Kasia. Puis on se recule doucement en continuant à fixer le mur. Un visage apparaît, gravé dans le mur par l’artiste portugais Vhils, qui utilise burin et explosifs pour révéler des visages sur la surface des murs.
"Pour certains, le street art est du vandalisme, reconnaît Kasia. Mais tout le monde veut témoigner, laisser sa marque, c’est normal. Alors selon les points de vue, dans la rue tout le monde est artiste ou personne ne l’est." La Polonaise, qui a étudié dans la même école d’art que certains des artistes qui investissent les murs de Paris, comme Betz et Sainer, avoue simplement avoir été "au bon endroit au bon moment" pour recueillir anecdotes et bonnes histoires auprès des street artists.
"Mon regard sur la ville va changer, je ferai attention à toutes ces œuvres", assure Gaëlle, 35 ans, à la fin de la visite. Pari réussi pour Kasia, pour qui "Paris a toujours été ouverte aux nouveaux arts, et est une capitale du street art".
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