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Le Bénin expose pour la première fois ses 26 trésors royaux restitués par la France, 129 ans après leur vol

Restitués en novembre dernier, 26 trésors royaux pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises dans le palais d'Abomey (centre sud du Bénin actuel) sont exposés à Cotonou depuis dimanche.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Un visiteur admire une statue à tête de lion représentant le roi Glèlè (à gauche) et une statue à tête humaine et corps de requin représentant le roi Behanzin, lors de l'exposition "Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui, de la restitution à la révélation",  samedi 19 février 2022 à Cotonou (Bénin). (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Le président béninois Patrice Talon a inauguré samedi soir avec "fierté" une exposition historique à Cotonou dans laquelle les 26 trésors royaux restitués en novembre par la France après plus de deux ans de négociations, y sont présentés pour la première fois au peuple béninois, 129 ans après leur vol.

Au sein du palais présidentiel à Cotonou, un espace muséal de plus de 2 000 m2 a été aménagé pour accueillir cette exposition intitulée "Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui, de la restitution à la révélation", qui a ouvert ses portes au public dimanche 20 février 2022 et sera visible jusqu'au 22 mai.

"Un tabou a été brisé" avec ces restitutions, qui pourraient être suivies d'autres

Ces trésors, autrefois exposés au Musée du Quai Branly à Paris,  avaient été pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises dans le palais d'Abomey, capitale du Royaume du Dahomey, au centre-sud du Bénin actuel, composé alors de plusieurs royaumes.

Cette exposition est "une fierté et une foi en ce que nous fûmes, en ce que nous sommes, et en ce que nous serons", a déclaré Patrice Talon devant la presse. "Voilà, le Bénin révélé". Avec ces restitutions, "c'est un tabou qui a été brisé (...) ce n'est plus une préoccupation de savoir si c'est possible ou pas, nous l'avons fait", a-t-il ajouté, précisant que le Bénin allait demander à la France d'autres oeuvres toujours détenues par l'ancienne puissance coloniale.

Les 26 oeuvres rendues par la France sont la première importante restitution d'objets de collections publiques à un pays africain. "C'est une exposition absolument magnifique", a déclaré la ministre de la Culture française Roselyne Bachelot, en déplacement à Cotonou pour l'occasion. "Elle rend encore peut-être mieux la majesté, la créativité, l'incroyable patrimoine historique, politique et esthétique que représentent ces 26 oeuvres", a-t-elle ajouté.

Le "travail de restitution continue", a également assuré la ministre. "Nous sommes en train de travailler sur une loi cadre pour faciliter ces restitutions", a-t-elle ajouté, précisant que le travail législatif pourrait prendre au moins deux ans.

Le trône du roi Ghezo, pièce majeure à l'exposition "Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui, de la restitution à la révélation",  samedi 19 février 2022 à Cotonou (Bénin). (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Le trône du roi Ghézo en majesté

La première salle de l'exposition, dont les immenses murs peints en noir lui donnent un caractère solennel, met à l'honneur les trônes des souverains du Dahomey. Et particulièrement, celui du roi Ghézo (1797-1818), majestueuse sculpture de bois aux motifs afro-brésiliens de près de deux mètres, surmontée d'une tablette incurvée (photo ci-dessus).

"Depuis le début de l'installation, je ne cesse de le contempler", explique à l'AFP Théo Atrokpo, un des médiateurs de l'exposition, qui frémit d'impatience "d'en expliquer l'histoire" à ses compatriotes. "Je l'avais déjà vu en France, mais le voir ici, chez nous, c'est retrouver une partie de notre âme, c'est nous connecter à notre histoire", ajoute ce guide culturel âgé de 42 ans.

De la statue mi-homme mi-lion du roi Glèlè à celle mi-homme mi-oiseau du roi Ghézo, en passant par les portes du palais royal, les invités, très émus, se pressaient samedi soir pour admirer les trésors. "C'est très émouvant de me retrouver face au trône du roi Ghézo, je ne l'avais pas imaginé aussi grand, aussi puissant", confie Laeila Adjovi, artiste franco-béninoise dont plusieurs oeuvres sont aussi présentées lors de cette exposition.

Le sculpteur béninois Degnon Toihen devant une de ses oeuvres exposée à "Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui, de la restitution à la révélation", samedi 19 février 2022 à Cotonou (Bénin). (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

34 artistes béninois contemporains également exposés dans une scénarisation remarquable

Car à côté des trésors, 34 artistes béninois contemporains ont été sélectionnés pour y présenter plus d'une centaine d'oeuvres. Une volonté du gouvernement de lier "l'histoire au présent", et de montrer que le "génie artistique béninois a perduré", malgré la dépossession d'une partie de son patrimoine.

Des tapisseries monumentales d'Yves Appollinaire Pèdé mettant à l'honneur le vaudou, à l'installation réalisée à partir de cheveux de Dimitri Fagbohoun, en passant par les robots afro-futuristes d'Emo de Medeiros et les peintures monumentales et colorées de Moufouli Bello, cette deuxième partie montre la vitalité artistique de la scène contemporaine béninoise.

Plusieurs galeristes et acteurs du monde de l'art internationaux venus assister à cette exposition historique, ont confié avoir été épatés par la scénarisation, qui n'a rien à envier, selon eux, à celles des grands musées européens. Un pied de nez à l'argument longtemps avancé par certaines institutions qui refusent de restituer des oeuvres, d'un manque de formation et de financement pour les exposer et les conserver sur le continent.

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