Photographie : la poésie de Manuel Alvarez Bravo au Jeu de Paume
Manuel Alvarez Bravo (1902-2002) a commencé à faire des photos au début des années 1920. Il s’est éteint dans sa cent-unième année. Il aura donc déployé son talent pendant près de quatre-vingts ans, même s’il s’est toujours considéré comme un « photographe du dimanche ». Dans les années 1920, il a connu Edward Weston et Tina Modotti, Diego Rivera. Il a exposé, plus tard, avec Henri Cartier-Bresson à New York, à Mexico. Il a fasciné André Breton.
L’exposition du Jeu de Paume veut sortir « don Manuel » de l’exotisme, annonce la directrice de l’établissement, Marta Gili. Pour « donner une nouvelle vision de l’artiste ». Il a été invité d’honneur des Xe Rencontres de la photographie d’Arles en 1979. Et le Musée d’art moderne de la Ville de Paris lui a offert une rétrospective en 1986. C’est dire si on est heureux d’en avoir une vision tout court à Paris.
Manuel Alvarez Bravo a détruit ses premières photos, les trouvant trop pittoresques. Il continue avec des images marquée par un grand souci graphique : un matelas enroulé, le soleil dans les rideaux, des papiers pliés, un jeu d’ombre et de lumière sur un échafaudage.
Au début des années 1930, il découvre Eugène Atget, qui a tant marqué les surréalistes. Il photographie les enseignes et les vitrines du centre de Mexico. Des mannequins drapés.
Le sous-titre de l’exposition évoque un « photographe aux aguets ». Dans la rue, Alvarez Bravo posait son appareil sur un pied et attendait patiemment qu’une image intéressante se présente devant son objectif, très loin de la street photography. Dans cette photo « composée et non spontané », Gerardo Mosquera, co-commissaire de l’exposition veut voir le « penchant cinématographique » d’un artiste également passionné de cinéma et dont des petits films inédit sont présentés au Jeu de Paume.
Une des figures récurrentes de Manuel Alvarez Bravo est celle du gisant, avec son célèbre « Obrero en huelga, asesinado (Ouvrier en grève, assassiné, 1934). Moins crue, plus poétique, La buena fama durmiendo (La bonne renommée, endormie, 1938) est une commande d’André Breton : une jeune fille est allongée par terre, les pieds et les cuisses bandés.
Le nu est aussi un exercice fréquent : il segmente les corps, isolant des épaules, des fesses, cache en partie un corps derrière un drap étendu dans un jardin.
Plus tard, les images de ce poète de l’objectif se dépouillent : de simples murs sont percés d’un trou ou d’une fenêtre, ou accueillant l’ombre d’un arbre la nuit.
« Tout le pathétique mexicain est mis par lui à notre portée: où Alvarez Bravo s'est arrêté, où il s'est attardé à fixer une lumière, un signe, un silence, c'est non seulement où bat le coeur du Mexique mais où encore l'artiste a pu pressentir, avec un discernement unique, la valeur pleinement objective de son émotion », écrivait André Breton.
« La technique rigoureuse et précise (de la photographie) était sans doute celle qui menaçait le moins de s’interposer entre sa sensibilité et son œuvre. Une poésie discrète et profonde, une ironie désespérée et fine émanent des photos de Manuel Alvarez Bravo, comme les particules suspendues dans l’air qui rendent visible un rayon de lumière pénétrant dans une chambre obscure », disait Diego Rivera.
Manuel Alvarez Bravo (1902-2002), Un photographe aux aguets, Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e
tous les jours sauf lundi, 25 décembre et 1er janvier
mardi 11h-21h, mercredi à dimanche : 11h-19h
tarifs : 8,5 € / 5,5 €
jusqu’au 20 janvier 2013
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