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Le Gray et ses élèves : des photographes "modernes" au Petit Palais

Gustave Le Gray n’a pas seulement été un grand précurseur de la photographie. Il a aussi fait école, accueillant dans son atelier de nombreux élèves et formant des artistes, dont certains n’ont été découverts que récemment. Une exposition au Petit Palais nous montre le travail du maître et de ses élèves et souligne sa modernité (jusqu’au 6 janvier 2013)
Article rédigé par franceinfo - Valérie Oddos
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Publié
Temps de lecture : 5min
Cercle de la famille Bocher, Louise de Courcy, vers 1860
 (Collection particulière)

Quelques images de Gustave Le Gray (1820-1884) ouvrent l’exposition, pour montrer l’ampleur à la fois de son art et sa maîtrise technique : photos d’architecture, paysages, portraits, marines… Où l’on voit la perfection de ses compositions, comme dans cette « Vague brisée », une de ses plus belles marines.

Le Gray a une formation de peintre : il a étudié à l’Ecole des beaux-arts. Il est un maître de la composition et de la lumière et veut que la photographie, « au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie, du commerce, rentre dans celui de l’art ». Ses images sont aussi remarquables par la qualité des tirages, qu’il soigne particulièrement.

Gustave Le Gray atteint une parfaite maîtrise technique qu’il détaille dans quatre manuels. Il est l’auteur de deux inventions majeures en 1850-51. Le négatif sur verre au collodion, qui permet de raccourcir les temps de pose (le Britannique Frederick Scott Archer a aussi revendiqué sa paternité). Et le négatif sur papier ciré, qui a l’avantage de pouvoir être préparé à l’avance.

Henri Le Secq, Paris, neige au Champ-de-Mars, vers 1853
 (Les Arts décoratifs, Paris)
Le photographe installe son atelier en 1849 dans une maison sur le chemin de ronde de la barrière de Clichy (actuel boulevard des Batignolles), qui regarde le mur des fermiers généraux. Il y donne des cours (bien) rétribués et, pendant une dizaine d’années, il va y recevoir une cinquantaine d’élèves aux profils divers (artistes, peintres, archéologues, banquiers, aristocrates, voyageurs).

Pour les commissaires de l’exposition, Anne de Mondenard et Marc Pagneux, ces photographes « ébauchent, avec plus de 70 ans d’avance, le mouvement moderniste de l’entre-deux-guerres » et « construisent des images qui surprennent par leur audace et leur perfection ».

Les élèves s’exercent autour de l’atelier, comme en témoignent une série de vues depuis le rez-de-chaussée ou les étages de la maison.

Gustave Le Gray et Auguste Mestral, Galerie du cloître de Moissac, 1851
 (Paris, Collection Serge Kakou)
Bien qu’influencée par la peinture dans le choix des sujets, la photographie met en place rapidement un langage propre et une approche singulière. Des traits généraux se dégagent des images produites par les élèves de Le Gray, qui leur apprend qu’il ne suffit pas de placer un sujet au centre pour faire une bonne photographie.

Ils s’intéressent à des motifs qui peuvent paraître insignifiants (un potager, un escalier), élargissent le cadre à un second sujet, laissent une architecture dans l’ombre d’un arbre, accumulent des motifs sans hiérarchie dans l’image.

Par exemple, le « Château de Noisiel » de Raymond de Bérenger apparaît tout petit, au fond de l’image alors que le premier plan est occupé par un tas de pierres, des brouettes, une mare…

Formellement, ils ont le goût de la construction géométrique, adoptent des points de vue audacieux, se concentrent sur un fragment.

Raymond de Bérenger, Les portes de Sassenage, 1853
 (Collection particulière)
L’exposition présente ces photographes comme les précurseurs de la série : ils multiplient les images autour d’un même sujet, variant les lumières et les cadrages, comme Le Gray et Mestral au cloître de Moissac lors de leur périple pour la Mission héliographique qui vise à recenser tous les monuments de France.

La présentation souligne aussi la qualité des tirages enseignée à ses élèves par Le Gray, qui n’hésitait pas à gâcher du papier et des produits pour obtenir la meilleure des épreuves, dans une gamme étendue de teintes.

Une section est consacrée à des mini-monographies des plus remarquables de tous ces photographes, pas forcément les plus connus, puisque, jusqu’à récemment, on ignorait tout d’Alphonse Delaunay (1827-1906), dont deux cents images ont été identifiées. De l’autre côté des Pyrénées, il a fait des photos sublimes de l’Alhambra, et établit des « types espagnols ».

Adrien Tournachon, Taureau de Marienhof, âgé de 30 mois, présenté par M. Senekowitz à Saint Georgen, près Unmark (Autriche), 1856
 (Bâle, collection Ruth et Peter Herzog)
L’œuvre de l’Américain John Beasley Greene (1832-1856) est fulgurante puisqu’elle a été réalisée en quatre ans, avant sa mort à 24 ans, le menant de Fontainebleau aux ruelles d’Alger.

Henri Le Secq s’intéresse aux éboulements et aux démolitions, à la nature. Il livre une vision irréelle du Champ de Mars l’hiver où le blanc de la neige contraste avec le noir de la terre, sous les arbres décharnés.

Enfin, l’exposition rend justice à Adrien Tournachon, resté à tort dans l’ombre de son illustre frère, Nadar à qui on avait attribué certaines de ses photos. Elle présente ses portraits, d’une incroyable intensité, comme son autoportrait au chapeau de paille ou ceux du mime Charles Debureau. Il savait aussi photographier les animaux en leur donnant une présence quasi-humaine.

Modernisme ou modernité, Les photographes du cercle de Gustave Le Gray (1850-1860), Petit Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris
tous les jours sauf lundi et jours fériés, 10h-18h, le jeudi jusqu’à 20h
tarifs : 6 euros
Jusqu’au 6 janvier 2013

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