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Le Bal, à Paris, expose la photo latino à travers ses livres

Le livre, c’est une des façons de montrer la photographie. Des spécialistes sud-américains de la photographie ont voulu relire l’histoire de la production visuelle de leur continent à travers ce médium. Résultat, une exposition passionnante au Bal, à Paris
Article rédigé par franceinfo - Valérie Oddos
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Paolo Gasparini, Para Verte Mejor, América Latina, 1972, Mexico
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« Nous avons décidé de prendre possession de notre histoire », explique Marcelo Brodsky, photographe argentin et membre du comité qui a mené les investigations. L’idée est née au forum latino-américain sur la photographie de São Paulo de 2007. Les initiateurs ont décidé de chercher à travers le continent les livres de photographies publiés en Amérique Latine par des auteurs latino-américains.

Quatre ans de travail auprès de photographes, d’éditeurs, de graphistes, de collectionneurs ont débouché sur la découverte d’œuvres parfois rares qui éclairent l’histoire de la photo en Amérique du Sud. De certaines, il ne reste que trois ou quatre exemplaires connus. Quarante livres ont été sélectionnés pour l’exposition Foto/Gràfica.

Barbara Brändli, Sistema Nervioso, 1975, Caracas
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Pour faire un livre de photographies, il faut « la volonté d’un auteur, la qualité du graphisme et l’originalité dans la manière d’aborder un sujet », explique le commissaire de l’exposition, Horacio Fernàndez, professeur d’histoire de la photo et commissaire de PhotoEspaña, une des grandes rencontres mondiales de la photo, entre 2004 et 2006. Ce sont ces critères qui ont guidé le choix des ouvrages.

Une exposition sur des livres de photographie, ça pourrait être austère. Constituée de tirages d’époque, de films et de maquettes, celle-ci est au contraire très vivante.

L'Amazonie de Claudia Andùjar
Claudia Andùjar, photographe suisse d’origine et brésilienne d’adoption depuis 1955, a photographié les Indiens Yanomami d’Amazonie. Son livre mythique, « Amazônia », ouvre l’exposition et la section consacrée à l’Amérique des origines. La vieille dame qui défend toujours les droits des indigènes, est arrivée un peu par hasard chez les Yanomamis, en 1971. Elle accompagnait un reportage du magazine « Realidade », qui ne devait pas parler des Indiens.

C’est une enquête imprévue sur la mort d’un prêtre qui l’a menée chez eux. « Je suis tombée amoureuse des Yanomamis », raconte-t-elle. « J’ai fait des photos d’eux. A São Paulo, à la rédaction, ils ont trouvé ça formidable » et la revue a finalement publié des photos des Indiens.

Mosaïque des couvertures de livres présentés dans FOTO/GRAFICA
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Ce n’est que le début de l’histoire : Claudia Andùjar est retournée dans la forêt. Elle y a passé des années. « J’ai voulu connaître leur culture avant de les photographier. C’était une question de respect », dit-elle. « Le gouvernement n’a pas voulu que je continue. On m’a fait sortir » d’Amazonie. « J’était révoltée et j’ai pensé que la meilleure chose était de les faire connaître ». C’est comme ça qu’  « Amazônia » est né. « Il est important de faire passer l’idée que les Yanomamis ne sont pas morts et veulent continuer à vivre », conclut la photographe. Les images de son livre sont projetées au Bal, montrant la beauté d’un peuple qui vivait libre et heureux dans la forêt.

Du documentaire à l'oeuvre d'artiste
L’exposition du Bal réunit des essais photographiques, des oeuvres d'artistes, des livres alliant poésie et photo. La qualité du graphisme est particulièrement soulignée. Parmi les essais, l’ouvrage très rare du Chilien Sergio Larrain, « Le rectangle dans la main" (1963). « D’une grande beauté formelle, il montre la misère et la grandeur d’âme » du peuple chilien, commente Horacio Rodriguez.

Ces livres ont parfois été censurés, comme « Amazônia » ou « El Cubano se ofrece » (1968) du Cubain Ivàn Cañas: il montrait la réalité d’un petit village qui ne collait pas avec l’image que voulait diffuser le régime de La Havane.

Eduardo Terrazas, Sin saber que existìas y sin poderte explicar, 1975, Mexique
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Dans les années 1960-80, des livres d’artistes utilisent la photographie, comme les Ediciones Economicas de Fotografia chiliennes qui éditent des ouvrages sous forme de photocopies agrafées. La Brésilienne Gretta retranscrit en photo des performances centrées sur le corps.

Le Mexicain Eduardo Terrazas a recensé les vitrines des quartiers populaires de Mexico où tout se met en devanture : il en tire un inventaire hilarant de boutons, de poupées, de fils de fer ou de pâtes alimentaires, images tirées en couleur monochrome et exposées à coté de l’original en noir et blanc.

L’Amérique Latine, ce sont des grandes villes qui ont poussé dans tous les sens, Brasilia, Buenos Aires, São Paulo ou Mexico. Une énergie qui a inspiré les photographes. Avec « Sistema nervioso », la Vénézuélienne Barbara Brändli invite à un voyage photographique à travers Caracas, montrant un univers complexe et chaotique. Ses images jouent avec le graphisme des inscriptions de la ville. Le texte du livre continue le texte de la ville. Son travail est exposé comme un papier peint composé des pages de son livre.

Après Paris, l'exposition qui doit être à PhotoEspaña l'été prochain, a pour vocation de voyager en Amérique Latine, au Brésil, en Argentine, au Mexique...

Foto/Grafica, une nouvelle histoire des livres de photographie latino-américains, Le Bal, 6 impasse de la Défense, 75018 Paris
tous les jours sauf lundi et mardi
mercredi et vendredi 12h-20h, le jeudi 12h-22h, samedi 11h-20h, dimanche 11h-19h
tarifs: 5€ / 4€ - jusqu'au 8 avril 2012

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