ImageSingulières, 4e festival de photo documentaire à Sète
Le festival est désormais bien installé dans le paysage des événements photographiques. Le Chai Skalli étant indisponible, le quartier général d’ImageSingulières se trouvait cette année aux Chais des Moulins, plus excentré mais relié au centre de Sète par des navettes les soirs de projections.
On pouvait y boire un coup ou manger, et échanger avec les photographes invités, dans une ambiance conviviale. Et le public était nombreux au rendez-vous, malgré des conditions météo pas très favorables.
Aux Chais des Moulins, ImageSingulières rend hommage au travail en noir et blanc de Stephan Vanfleteren sur la Belgique, une des grandes découvertes du festival. Depuis des années, ce jeune photographe effectue un voyage au cœur de son pays, « un pays blessé », selon lui, dont il souligne « l’âme mélancolique et surréaliste ».
Une maison fantôme apparaît dans la nuit, une route ou une rivière disparaissent dans le brouillard. Les baraques à frites sont fermées, les portraits montrent des personnes meurtries par la vie, souvent âgées. Rien ne semble indiquer que le XXIe siècle est bien entamé, dans le travail de Vanfleteren, qui se dit « né vieux dans un corps jeune ».
Après une première soirée consacrée aux femmes, la Belgique était aussi le sujet d’une soirée de projection passionnante vendredi. Des premiers photographes du XIXe, présentés par le directeur du musée de la photographie de Charleroi, Xavier Cannone, à la photographie contemporaine belge.
Le noir et blanc est bien présent à Sète, avec ce qui est sans doute la plus belle exposition du festival, celle de l’Espagnol Rafael Trobat sur le Nicaragua. Pendant 18 ans, il s’est plongé dans l’ambiance de ce pays qui sortait de la révolution sandiniste pour entrer dans le néolibéralisme. Un « pays incroyable qui a beaucoup souffert mais plein de magie et de joie de vivre » où il a photographié les gens de la rue et les gens de la haute, la mer et le carnaval, la vie et la mort. Des images sociales et mystiques qui constituent un travail magistral.
Il est exposé à côté de celui de Sebastiàn Liste. Le jeune photographe espagnol a passé des mois avec une soixantaine de familles qui occupaient dans des conditions précaires une chocolaterie abandonnée à Salvador de Bahia. Des images noires pour rendre compte d’une réalité très dure.
La couleur, il faut la chercher du côté de Tom Wood. Il passe sa vie à photographier les gens et l’a surtout beaucoup fait dans la rue, à Liverpool, où on l’a surnommé « photie man », l’homme à l’appareil photo. D’images posées en images volées, celui que Martin Parr qualifie de « génie de la photographie britannique » arrive à éclairer sa ville d’adoption, qu’on imaginerait tristoune, grâce à des touches de couleur savamment distillées.
Anniversaire de l'indépendance oblige, ImageSingulières rend hommage à l’Algérie, avec Omar D., qui a profité de sa condition de médecin ophtalmologue pour faire de magnifiques portraits de femmes dans un pays où la photo n’est pas un art facile. Et avec le parcours de Bruno Boudjelal, qui s’est servi de la photographie pour interroger son identité. Franco-algérien, il a parcouru pendant dix ans l’Algérie, à la recherche de sa famille et de ses origines, à une époque où la situation était particulièrement tendue. Il était impossible de viser, explique-t-il, d’où des photos à la poésie désolée et floue. Le périple a commencé en noir et blanc et s’est poursuivi en couleur. Il l’a aidé à se redresser, dit-il.
Les cérémonies d’ouverture se sont terminées samedi soir par une grande fête mais les expositions, gratuites, se poursuivent pendant deux semaines.
ImageSingulières à Sète, jusqu'au dimanche 3 juin 2012
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