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A la recherche des héritiers de Vivian Maier, la nounou photographe

Des négatifs par milliers, d'une valeur "inestimable": un habitant des Hautes-Alpes est au coeur d'une procédure judiciaire aux Etats-Unis sur l'héritage de Vivian Maier, photographe américaine sortie de l'ombre après sa mort en 2009 et désormais au panthéon du genre.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Vivian Maier autoportrait (détail)
 (Vivian Maier/Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris)

"C'est un peu ce que rêveraient de vivre de nombreux Français", sourit Me Denis Compigne, avocat au barreau de Gap. Son client Francis Baille, 63 ans, retraité gapençais de la fonction publique, serait en effet l'héritier de la photographe américaine révélée au grand public par le film "A la recherche de Vivian Maier", sorti en salles en juillet 2014, comme l'a révélé le New York Times la semaine dernière.

Mme Maier était elle-même originaire de la vallée du Champsaur, dans les Hautes-Alpes, où elle a passé une partie de son enfance. Née à New York d'une mère française, elle n'a pas vécu de la photographie, travaillant toute sa vie comme gouvernante et nounou, et n'a jamais montré ses photos, restées pour la plupart à l'état de négatifs.

Un héritage "inestimable" 

L'héritage porte justement sur ces négatifs vendus aux enchères en 2007, alors que la photographe de rue n'avait plus les moyens de payer les frais de stockage de ses cartons au garde-meuble. "C'est quelque chose d'inestimable.Les photos peuvent se vendre entre 1.000 et 10.000 dollars, sachant que plus de 100.000 négatifs ont été retrouvés", souligne Me Compigne.

Au départ, son client Francis Baille, qui ne souhaite pas parler à la presse, "a cru à une blague", ajoute-t-il. "Il connaissait l'oeuvre de Viviane Maier, étant donné qu'elle est originaire de la région. Mais il était loin de se douter qu'il était son héritier le plus direct.

Il était très surpris, plutôt agréablement", poursuit l'avocat. C'est David C. Deal, ancien photographe devenu avocat, qui a lancé des recherches généalogiques poussées pour tenter de retrouver les héritiers de Mme Maier au sens de la loi américaine. "Du point de vue de la généalogie pure, M. Baille est le premier successible", affirme Me Compigne: selon lui, le père de Francis Baille, Fidel, né en 1899, était le grand-oncle de Vivian Maier. 

Des années de procédure

M. Deal a convaincu Francis Baille de le représenter aux Etats-Unis et a déposé une requête demandant que son client soit reconnu comme héritier devant le tribunal des successions et des tutelles du comté de Cook, dans l'Illinois. Celui-ci a nommé un mandataire pour identifier d'éventuels autres héritiers dans la famille de la mère française de la photographe et de son père américain, afin de répartir l'héritage le cas échéant.

L'affaire pourrait durer des années. D'ici là, musées et galeries pourraient être obligés de retirer les oeuvres de la photographe de leurs catalogues et salles d'expositions, selon le New York Times.
Un instant saisi par Vivian Maier
 (Vivian Maier/Collection John Maloof Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York Les Douches La Galerie, Paris )
D'après le quotidien, des lettres mettant en garde contre d'éventuelles poursuites ont été adressées à toutes les personnes susceptibles de vendre les oeuvres de Mme Maier, ainsi qu'à John Maloof, qui a contribué à sa renommée.

"On est bien content que l'Américain ait trouvé ces photos et les mette en valeur

Ce brocanteur amateur avait acheté pour 400 dollars un lot de dizaines de milliers de négatifs, puis s'était lancé à la recherche de Vivian Maier, découvrant qu'elle était décédée en 2009, à l'âge de 83 ans. Il s'était lui aussi adjoint les services d'un généalogiste pour retrouver son héritier.

Il aurait ainsi payé un "montant non révélé" à un cousin germain, Sylvain Jaussaud, 82 ans, agriculteur retraité à Saint-Laurent-du-Cros (Hautes-Alpes), pour les droits de l'oeuvre de Mme Maier, rapporte le New York Times. "On n'a rien touché, dément sa femme Rosette Jaussaud, interrogée par l'AFP.

Il nous aurait proposé, on aurait dit non." "On est bien content que l'Américain ait trouvé ces photos et les mette en valeur, ajoute-t-elle. Mais il n'est pas question de lui demander des sous. On a 80 ans, on s'en fout pas mal."


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