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Photo et fichage : exposition aux Archives nationales

Comment la photographie est devenue l'instrument privilégié du fichage des individus : une exposition retrace aux Archives nationales, à Paris, l'évolution, et parfois le détournement, des procédés d'identification du milieu du XIXe siècle aux années 60.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Des photos anthropométriques de Tsiganes datant de 1942
 (AFP/GERARD JULIEN)

"Nous avons voulu montrer comment ces photos qui concernaient au départ seulement certaines catégories de personnes ont fini par concerner tout le monde", confie Pierre Fournié, co-commissaire de l'exposition et conservateur général du patrimoine.

Les 2.600 pièces de l'exposition "Fichés ?" (du 28 septembre au 26 décembre) montrent aussi comment certains fichiers ont été détournés, à l'image de celui des membres de la bourse des marchandises de Marseille dont la police
s'est emparé sous Vichy pour extraire les fiches aux patronymes juifs.

Le parcours débute dans les années 1850, lorsque la préfecture de police commence à utiliser le portrait pour identifier les criminels. Une technique perfectionnée par le "système Bertillon" développé par un employé de la
préfecture de police en 1879. Ce nouveau mode de classement des fiches des prévenus fondé sur une série de mesures osseuses et combiné à l'usage du portrait marque un tournant dans l'utilisation de la photographie à des fins policières.

Parmi les nombreuses pièces présentées, des centaines de photos d'identité mais aussi des registres de demande de passeports, des titres de séjour, des fichiers d'espions, de salariés, de déportés, de nomades ... Des documents
issus des archives, qui, pour la plupart auraient dû être détruits par les administrations qui les ont produits.

Les fiches de l'espionne Mata Hari, de Django Reinhardt ou encore de Pablo Picasso et son épouse figurent parmi celles qui ont pu être sauvées. Egalement exposé, un fichier de gestion des Juifs arrêtés par la préfecture de police entre 1940 et 1944. Le fichier de recensement, lui, a été détruit après la Seconde Guerre Mondiale. Parmi 600 fiches cartonnées exposées sous une immense plaque de verre, on trouve celle de Jean Cocteau. L'écrivain était fiché comme poète mais aussi comme anarchiste et comme homosexuel.

¨Tout Etat a toujours eu la volonté de connaître ses sujets. Gouverner c'est savoir qui on gouverne", explique Jean-Marc Berlière, historien et co-commissaire de l'exposition.

Au départ contrainte et utilisée par la police judiciaire, ensuite volée, prise à l'insu des individus, notamment par les services de contre-espionnage, la photographie est enfin consentie avec l'apparition de la carte d'identité. L'exposition s'achève sur la guerre d'Algérie où le fichage des Français musulmans donne lieu à une première utilisation des cartes perforées.

Un ouvrage largement illustré, co-dirigé par Jean-Marc Berlière et Pierre Fournié et publié aux éditions Perrin, présente les différents types de fichages et leurs dangers.

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