Toute la peinture de Roger Bissière à la Galerie des Beaux-Arts de Bordeaux
Un an après sa mort, en 1965, la Galerie des Beaux-Arts de Bordeaux avait consacré une exposition à Roger Bissière. Ce fils de notaire de province, né en 1886 à Villeréal (Lot-et-Garonne) et formé à l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, n'avait pas été exposé dans cette ville depuis cette rétrospective posthume : "Un oubli injuste qu'il fallait absolument réparer pour faire redécouvrir ce peintre très influent au sein de la Nouvelle Ecole de Paris", regroupant des "modernistes" reconnus comme Jean Le Moal et Alfred Manessier, eux-mêmes disciples de Bissière, souligne la commissaire, Sophie Barthélémy.
Coorganisée avec le musée de Lodève, qui lui a rendu hommage entre juillet et novembre, l'exposition "Bissière, figure à part" donne à voir une centaine d'œuvres aux inspirations diverses, tour à tour "avant-gardistes", "post-cubistes" et "non-figuratives". Elle est centrée sur l'oeuvre peint, où la figure humaine occupe une place centrale avant de disparaître brusquement au profit de signes et de pictogrammes.
Succès d'une première exposition en 1921
Critique et chroniqueur d'art pour gagner sa vie, Roger Bissière se décide à abandonner l'écriture pour se consacrer entièrement à la peinture après le succès de sa première exposition personnelle à Paris chez le célèbre galeriste Paul Rosenberg, en 1921. Depuis cette exposition jusqu'à la consécration avec le "Prix spécial" de la Biennale de Venise en 1964, année de sa mort, l'artiste a eu un parcours chaotique.
L'exposition propose une déambulation chronologique depuis la période figurative et post-cubiste des années 1920, avec des "Nus" inspirés de Jean-Auguste-Dominique Ingres et Paul Cézanne, suivie de la période "non-figurative" de l'après-guerre, jusqu'au "journal en images" réalisée entre 1962 et 1964, après la mort de sa femme.
Au contact de Georges Braque et de son ami bordelais André Lhote, comme lui enseignant à l'Académie Ranson, Roger Bissière se convertit de 1920 à 1923 au "cubisme apaisé" de l'entre-deux-guerres, rappelle la commissaire. Il peint alors de plantureuses paysannes monumentales aux airs de madones. Telle cette"Jeune fille au poisson", donnée en 1940 au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux par Paul Rosenberg, alors réfugié dans la région.
Paralysie picturale pendant la guerre
Pendant la guerre, Bissière est "frappé de paralysie picturale" et fait du Lot une nouvelle terre d'asile où il s'essaie sans succès à l'élevage des abeilles et des moutons, raconte sa petite-fille, Isabelle Bissière. Selon elle, cette longue pause bucolique "correspond à une période de lente maturation, un peu comme la décantation d'une émotion à la source d'une nouvelle forme d'expression", qui s'épanouit à partir de décembre 1945 dans la tapisserie.
"L'Ange Hiroshima", pendant du "Guernica" de Pablo Picasso réalisé 10 ans plus tôt, et "Le chevrier", souvenir des années sombres de l'Occupation nazie dans la ferme de Boissierette (Lot), sont autant d'assemblages de bouts de tissu récupérés, ocres bruns et rouges, minutieusement cousus par "Mousse", l'épouse de l'artiste.
Enthousiasmé, le galeriste parisien René Drouin expose en 1947 le "nouveau Bissière" révélé par une trentaine de toiles et de tapisseries. Mais l'exposition est un échec.
La consécration à Venise en 1964
Bissière renouvelle alors son art. Les œuvres à venir, comme "Jaune et Gris", sont peintes à l'oeuf et puisent à la source de l'art primitif. La figure tend à disparaître et l'artiste inscrit dans des fenêtres colorées des pictogrammes qui semblent inspirés de la peinture rupestre.
Nouveau revirement en 1954 avec un retour à la peinture à l'huile et l'expérimentation du clair obscur sur des glacis subtils et transparents comme celui de "l'Equinoxe d'hiver", peint en 1957. Des signes noirs rythment des plages colorées, formant une trame de plus en plus dense.
Le décès en 1962 de l'épouse bien aimée atteint Bissière au plus profond. Au crépuscule de sa vie, il entretient un dialogue quasi quotidien avec "Mousse" sur de petits formats de bois à travers un "Journal en images" réalisé au feutre, et où il revient parfois à la figuration. En même temps, il crée des tableaux de grand format, notamment pour la biennale de Venise de 1964, où il représente la France et où il remporte une mention d'honneur, quelques mois avant sa mort.
Bissière, Figure à part, Galerie des Beaux-Arts, Place du Colonel Raynal, 33000 Bordeaux
Tous les jours sauf mardi et jours fériés, 11h-18h
Tarifs : 6,50€ / 3,50€
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