Star discrète de l'art contemporain, Zeng Fanzhi en pleine lumière à Paris
Le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris présente à partir de jeudi une exposition retraçant à rebours la carrière de l'artiste, depuis ses toiles récentes jusqu'à ses premières datées de 1990.
Une quarantaine de toiles sont ainsi réunies dont "The last supper" (2001), une version chinoise de la "Cène", vendue le 5 octobre par Sotheby's à Hong Kong pour 23,13 millions de dollars (17 millions d'euros), un record pour un artiste asiatique contemporain.
Numéro 4 au classement mondial des jeunes artistes contemporains
"C'est la première fois de ma vie qu'autant de mes oeuvres sont réunies pour une rétrospective. C'est très important pour moi", déclare Zeng Fanzhi dans un entretien à l'AFP. Vêtu dans des tons gris discrets, l'artiste, aux cheveux rasés courts, s'exprime en chinois, d'une voix calme, une traductrice à son côté.
L'artiste est numéro quatre au classement mondial des artistes contemporains (nés après 1945) établi par la société Artprice avec des ventes cumulées de 25,1 millions d'euros en 2012/2013. Zeng Fanzhi est né en 1964 à Wuhan, dans le centre de la Chine. "Mes parents étaient ouvriers. Ils m'ont toujours encouragé à suivre ma voie", explique l'artiste.
En 1966 éclate la Révolution culturelle, qui rejette les formes traditionnelles de la culture chinoise. Zeng Fanzhi reconnaît avoir eté marqué par la dureté de cette époque. Il a douze ans lorsqu'elle se termine à la mort de Mao en 1976. Il étudie à l'Ecole des Beaux-Arts à Wuhan. "A l'époque, la notion d'artiste n'existait pas. Nous étions des travailleurs de l'art. Nous ne savions pas que nous pouvions être libres et indépendants".
Pas de foulard rouge
Le jeune étudiant entame une série d'oeuvres fortes sur l'hôpital, dans un style proche de l'expressionnisme. "Dans la résidence où j'habitais, il n'y avait pas de toilettes. Je devais aller plusieurs fois par jour à l'hôpital voisin pour utiliser les sanitaires". Il peint la souffrance.
Pour son oeuvre de fin d'études, il présente un grand triptyque sur l'hôpital. Une seconde version de cette oeuvre, où une infirmière soutient un homme mourant, comme une Pietà, reçoit le premier prix à la Biennale de Canton de 1992. L'année suivante, Zeng Fanzhi s'installe à Pékin. De nature plutôt introvertie, l'artiste s'engage dans la série des "Masques", où de jeunes hommes arborent un masque blanc. "Derrière la plupart de ces masques, c'est moi. J'avais très peu d'amis car je venais d'arriver à Pékin".
Certains des jeunes masqués portent l'uniforme du Pionnier communiste avec le foulard rouge. "Moi, je n'ai jamais eu le foulard rouge", confie l'artiste qui n'a pas compris pourquoi. "J'étais exclu par la collectivité. C'était vécu comme un déshonneur par mes parents. C'est une ombre sur mon enfance". Dans "The last supper" qui a flambé aux enchères, le peintre convoque le chef des pionniers et ses douze disciples masqués, foulard rouge au cou. Mais l'un deux, le Judas, "porte une cravate dorée, qui évoque le pouvoir de l'argent, le capitalisme", explique Zeng Fanzhi.
Calme et sérénité
A partir du milieu des années 2000, le peintre adopte la technique des "traits brouillés", qui renvoient à la calligraphie. Il se rapproche de l'abstraction, peint des paysages de ronces, de branches d'arbres.
"Avant de peindre une grande toile, je me prépare plusieurs jours pour atteindre un état de calme et de sérénité. Puis je peins vite, de façon intense. Mes assistants ne touchent pas à mes tableaux".
Zeng Fanzhi nourrit le projet d'ouvrir avec d'autres un musée qui lui permettrait d'exprimer sa vision de l'art.
Musée d'art moderne de la ville de Paris jusqu'au 16 février 2014
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