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Restaurateur de peintures, le talent au service de la transmission

Créer, très peu pour elles. Ce qu'elles veulent, c'est transmettre. Pauline et Carole sont restauratrices de peinture. La première en devenir, l'autre déjà bien établie, elles nous racontent leur métier, leur passion et mettent la lumière sur cette face cachée du patrimoine.
Article rédigé par franceinfo
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Pauline, devant l'une de ses peintures restaurées
 (Boris Courret)

"Quand tu lis un livre, tu ne te dis pas : tiens, ce passage me plaît moins, je vais donc le changer. Eh bien en restauration c'est à peu près pareil. Nous ne sommes pas des créateurs, uniquement des transmetteurs", souffle Pauline, petite tasse de café noir à la main. Il est un peu plus de 18 heures. Les traits tirés, la  jeune femme de 25 ans vient tout juste d'achever une bien longue journée de cours débutée dès 9 heures par des mathématiques puis de la chimie. Un tantinet surprenant pour une restauratrice de peinture me direz-vous ? Et bien pas tant que ça selon l'étudiante. "L'aspect technique est très important pour comprendre comment une peinture est construite. Il faut savoir choisir le bon solvant pour enlever tel vernis ou tel autre. Et pour ça, on va ouvrir de petites fenêtres sur la peinture pour faire nos tests et trouver le bon produit".

Avant restauration
En cours de nettoyage
Après restauration

Petit chimiste

Pauline vient tout juste de débuter une licence de préservation des biens culturels à la Sorbonne. L'une des trois formations reconnues avec l'Institut national du patrimoine et l'École supérieure d'art d'Avignon permettant de travailler sur des collections privées mais également relevant de la responsabilité des musées de France. Son cursus s'étalera sur 4 ans et n'est accessible qu'après une sélection assez drastique.

Car Pauline est loin d'être une jeune première. Après une maîtrise d'histoire de l'art et plusieurs stages en atelier de restauration, elle va échouer deux fois à ce concours "malgré (d)es notes très convenables. Je me suis un peu découragée avant de retenter ma chance cette année", explique-t-elle.

Mais, à côté de ces formations reconnues, d'autres, privées, accessibles sans sélection à l'entrée mais avec un gros chèque, pullulent. Un véritable souci pour certains restaurateurs qui voient arriver une concurrence de plus en plus intense. Et un peu déloyale. Des préoccupations pour l'instant assez loin de celles de Pauline, plus inquiétée pour l'heure par ses cours de chimie.
  (Boris Courret)
Mais attendez. De la technique, des tests, des solvants, de la chimie ? Y a-t-il erreur sur la personne ? Moi qui pensais rencontrer l'héritière de Michel-Ange, je me retrouve nez-à-nez avec le petit chimiste. Pauline, qui s'aperçoit de mon incompréhension, tient à dissiper tout malentendu. "Tu sais, Boris, je prends aussi 8 heures de cours de peinture par semaine et cela depuis environ 5 ans, donc oui je sais dessiner. Et puis on a aussi des cours d'histoire de l'art, de peinture, de technique ancienne". Ah, me voilà rassuré.

"Néanmoins, jamais je ne me permettrai de refaire une tête qui a disparu ou qui ne me convient pas. Je ne suis pas une artiste. Je fais de la restauration, pas du faux", s'emporte la jeune femme qui a rapidement retrouvé tout son entrain et son bagou. "Si la peinture comporte une lacune, je ferai des recherches pour tenter d'y remédier et redonner sa lisibilité à l'œuvre". Lisibilité, réversibilité, stabilité et compatibilité : les cinq mamelles de la restauration de peinture. L'axe déontologique du métier.

L'humilité comme maître-mot

Cinq termes que me martèle Carole Clairon-Labarthe, restauratrice de peinture depuis une vingtaine d'années et qui a accueilli Pauline en stage pendant six mois l'année dernière. "La lisibilité, c'est certainement l'un de nos objectifs principaux, cette compréhension que le public a de l'œuvre. Il faut également toujours penser à sa réversibilité. Toute intervention de restauration doit pouvoir ensuite être retirée afin qu'un restaurateur, dans cent ans, puisse intervenir sur l'œuvre sans la détériorer en retirant cette restauration antérieure", m'explique-t-elle.

Je la retrouve dans son petit atelier du VIIe arrondissement de Paris, au beau milieu de tableaux de toutes sortes. Une vraie petite cour des miracles de peintures. Certaines sont jaunies, fanées, d'autres tâchées ou carrément déchirées, mais plus pour bien longtemps.
Carole Clairon-Labarthe, dans son atelier avec son fameux tableau déchiré
 (Boris Courret)
Carole Clairon-Labarthe se saisit de l'une d'entre elles en me montrant du doigt un trou béant qui vient littéralement fendre le tronc d'un arbre peint. "C'est sublime", sourit-elle en prenant des airs de médecin découvrant une magnifique fracture."Mais la restauration ne commence pas dès que l'on reçoit une œuvre. Il y a un véritable boulot en amont". Observation de l'œuvre, constat d'état, repérage des altérations et examen complémentaire. Ce n'est qu'une fois toutes ces étapes achevées que l'on pourra travailler le côté esthétique pour enfin donner une seconde vie à un tableau en le rendant plus "lisible" aux yeux de tous. "Sans jamais tenter d'améliorer une œuvre", surenchérit-elle, en reprenant son fameux tableau déchiré. "Tu vois, à droite de l'arbre, il y a un animal. On ne sait pas vraiment s'il s'agit d'un chien ou d'une vache. Peu importe et si personnellement je trouve que c'est plutôt mal réalisé, je ne me permettrai jamais de redessiner cette bête. Quoi qu'il arrive, il faut respecter le travail de l'artiste. Nous ne sommes pas détenteurs du bon goût".
  (Boris Courret)
Quand l'humilité se met au service de la transmission du patrimoine. Quand l'expression artistique se trouvé dénuée de toute velléité d'expression. Quand les restaurateurs font revivre les peintres du passé, d'ailleurs les premiers à restaurer leur maîtres. Quand les restaurateurs deviennent aussi des conservateurs.

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