Cet article date de plus de trois ans.

Œuvres spoliées : un nouveau répertoire pour identifier les réseaux du marché de l'art sous l'Occupation

Alors que les recherches se concentraient jusqu'ici sur les biens volés entre 1939 et 1945, cette base de donnée répertorie les marchands d’art, collectionneurs et autres conservateurs de musées. Avec l'espoir de retrouver de nouvelles œuvres.

Article rédigé par franceinfo - Anne Chépeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Vente aux enchères de la collection Jacques Cannone, Hôtel Drouot, Paris, 5 juin 1942. Sous le marteau du commissaire-priseur Maître Alphonse Bellier, assistés par les experts André Schoeller et Martin Fabiani (assis derrière la petite table à droite). (MUSÉE CARNAVALET / ROGER-VIOLLET)

Qui étaient les acteurs du marché de l’art en France sous l’Occupation, entre 1940 et 1945 ? La réponse se trouve dans un répertoire mis en ligne vendredi 3 décembre par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Un nouvel outil pour ceux qui sont à la recherche d’œuvres appartenant à des Juifs spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès l'été 1940, l’occupant allemand, avec la collaboration du gouvernement du maréchal Pétain, organise le pillage du patrimoine artistique détenu par les Juifs. 100 000 œuvres d'art sont transférées de la France vers l'Allemagne.  

Plus de 160 notices biographiques en français, en allemand et bientôt en anglais figurent dans ce Répertoire des acteurs du marché de l'art en France sous l'Occupation (Rama). Elles concernent des commissaires-priseurs, des marchands d’art, des galeristes, des conservateurs de musées, des collectionneurs. Inès Rotermund-Raynard, chercheuse à l’INHA, a conduit ce travail avec une collègue de l’Université technique de Berlin : " Depuis une vingtaine d'années, on a beaucoup de recherches qui portent sur les objets potentiellement spoliés et en fait, souvent, on tombe sur des noms des acteurs du marché de l'art, notamment à Paris. Mais on n'avait pas cette idée de l'ensemble du réseau. Qui connaissait qui ? Qui travaillait avec qui ? Nous avons donc essayé de répondre à ce manque avec cette création d'une base de données, gratuitement accessible pour tous."

Imprimerie Chaufour, affiche pour la vente de tableaux modernes appartenant à Monsieur J. C. faite à Drouot, Paris, le 5 juin 1942 par le commissaire-priseur Alphonse Bellier, 80 x 60 cm. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives 162. (MICHAEL QUEMENER / INHA)

Ces notices biographiques signalent notamment les ventes dans lesquelles étaient impliqués les acteurs du marché de l’art. Des informations très utiles pour toutes celles et ceux, professionnels ou particuliers, qui tentent de retrouver des œuvres spoliées. Si une grande partie des œuvres sont revenues en France à la Libération et ont été restituées, plusieurs milliers d'entre elles restent introuvables.

L’atelier du peintre Francis Harburger a été pillé fin 1942 à Montmartre. Une centaine de toiles ont disparu. À ce jour, seuls cinq tableaux ont pu être retrouvés. Pour sa fille, Sylvie Harburger, ce répertoire est un outil supplémentaire : "Ça peut donner beaucoup de pistes de recherche. Je ne pense pas que le répertoire va permettre de retrouver une œuvre. En revanche, il va donner des fils que les gens pourront remonter pour rechercher des œuvres."

"C'est ça, la valeur ajoutée du répertoire : identifier des circuits d'achat ou d'échange d'œuvres."

Sylvie Harburger

à franceinfo

Le répertoire lève le voile sur la complexité du marché de l’art sous l’Occupation, des marchands juifs y ont ainsi participé pour échapper à la déportation. Il pourrait aussi, selon Inès Rotermund-Reynard, réserver quelques surprises : "Là, par exemple, vous avez la notice de René Huyghe, un conservateur du Louvre qui, évidemment, dans un premier temps, n'est pas marchand. Mais il est, en fait – ce qu'on découvre à travers ces recherches – aussi impliqué pendant ces années là dans le marché de l'art." En 1939, René Huyghe participe à l'évacuation en zone libre des collections de peinture du Louvre.

Sylvie Harburger exprime, elle, un regret : "C'est un répertoire qui, comme toutes les recherches qui ont lieu actuellement, arrive très tard. Trop tard par rapport aux personnes spoliées, ou aux familles, qui ont elles-mêmes fait des recherches pendant toutes ces années d'après-guerre et là, n'ont pas trouvé d'interlocuteurs." De nouveaux noms feront leur entrée dans ce répertoire dans les prochains mois.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.