La "Sainte Anne" de Léonard de Vinci, genèse d'un chef-d'oeuvre au Louvre
Le projet de cette exposition est lié à la restauration du tableau, explique le commissaire de l’exposition, Vincent Delieuvin. Pour pouvoir mener cette restauration, une « mesure conservatoire d’urgence », il a fallu « rassembler toute la littérature et réétudier dessins et cartons préparatoires pour avoir une vision renouvelée du tableau », souligne-t-il. L’ensemble des documents liés à ce chantier, « le plus important » de son œuvre, sont donc rassemblés au Louvre pour l’exposition.
La Sainte Anne : un cheminement spirituel de vingt ans
Léonard de Vinci a travaillé sur la « Sainte Anne » pendant 20 ans, jusqu’à sa mort en France en 1519. L’exposition est donc concentrée sur les 20 dernières années de sa vie.
Le thème de la Sainte Anne trinitaire est en vogue au XVIe siècle : les figures de la mère de la Vierge, de sa fille et de l’enfant Jésus apparaissent soit superposées verticalement, soit juxtaposées horizontalement. Y est ajouté un agneau, symbole de la passion du Christ.
« Il s’agit d’un sujet symbolique très complexe », selon Vincent Delieuvin. Une question va passionner Léonard de Vinci : « Quelle place donner à ces quatre personnages ? ». Pendant les longues années où il travaille à ce tableau, on observe chez lui une « progression spirituelle » qu’on peut déceler dans l’évolution de la composition du tableau: « Plus le temps passe, plus Sainte Anne est contemplative. » Au lieu de retenir la Vierge qui tient l’enfant Jésus elle le laisse aller vers son destin.
Trois cartons pour un seul tableau
Léonard de Vinci a imaginé une première composition. C’est celle du « premier carton » conservé à la National Gallery de Londres. Un « carton » était une esquisse qui était reportée sur le tableau. Celui-ci n’a jamais servi : on n’y relève pas les petits trous qui servaient à ce report. La composition est horizontale, l’enfant Jésus y bénit saint Jean-Baptiste.
Sur un deuxième carton, saint Jean-Baptiste disparaît, remplacé par l’agneau. Les figures s’étagent vers la gauche et sainte Anne retient la Vierge. Ce carton a disparu mais sa composition est connue grâce à des dessins préparatoires et une copie de Brescianino conservée au Prado.
On connaît le troisième carton grâce au dessin sous-jacent visible grâce à une réflectographie infrarouge du tableau du Louvre. L’ordre des figures est inversé. Elles forment une diagonale qui descend doucement de gauche à droite.
Léonard de Vinci expérimentait constamment
Si l’allure générale du tableau est demeurée, « Léonard de Vinci n’a cessé de renouveler sa composition », remarque Vincent Delieuvin. On peut suivre cette progression grâce aux versions peintes par l’atelier du maître. Ses assistants faisaient des copies expérimentales auxquelles Léonard mettait la main pour tester les dernières études qu’il avait dessinées. « Elles indiquent les étapes du chantier. »
Ainsi, on remarquera des sandales qui disparaissent dans la version finale, ou des variations dans le manteau et la coiffure de la Vierge.
Le commissaire de l’exposition souligne l’aspect scientifique du travail de Léonard de Vinci, qui a fait des études sur la lumière pour parvenir à son fameux « sfumato », effet de flou qui donne tant de mystère à sa peinture. Il pratique en même temps « la composition instinctive en laissant aller librement sa main » dans des dessins expérimentaux.
« On a découvert les derniers coups de pinceaux » de Léonard sur la Sainte Anne, tableau resté inachevé à sa mort. « Toute l’histoire du tableau est résumée dans sa confrontation avec le premier carton », souligne le commissaire. Les deux œuvres sont exposées côte à côte au Louvre. Une réunion exceptionnelle.
Elles sont précédées de nombreux dessins, études pour la tête de la Vierge ou de sainte Anne, pour le bras ou le manteau de la Vierge, pour l’Enfant Jésus.
Une longue postérité pour la Sainte Anne
La « Sainte Anne » de Léonard a fasciné des générations d’artistes, comme le montrent les copies du vivant de l’artiste, alors que l’œuvre n’était même pas achevée. Des œuvres inachevées de Michel-Ange peuvent même être considérées comme un éloge à l’inachèvement de celles de Léonard. Une « Sainte Famille » de Raphaël de 1507 s’inspire de la composition du deuxième carton.
La « Sainte Anne » a été vue en Italie et aussi en France, quand Léonard de Vinci y travaillait. Ainsi on peut retrouver une « Vierge à l’enfant » flamande des années 1520 qui s’en inspire manifestement pour l’attitude des personnages, installés dans un paysage du nord.
La figure de sainte Anne est écartée de l’iconographie religieuse pour être remplacée par saint Joseph à la fin du 16e siècle. La « Sainte Anne » de Léonard disparaît un temps avant d’être installée au Louvre en 1651. Des générations d’artistes vont alors apprendre l’art en regardant ce tableau.
L’exposition se clôt sur ces hommages : une étude de Degas d’après la « Sainte Anne », ou un tableau de Louis Béroud de 1906. Cet habitué du Louvre a invité au banquet des « Noces de Cana » de Veronese tous les personnages des œuvres qui sont accrochées dans le Salon carré, dont les figures de la « Sainte Anne ».
Pour finir, Max Ernst s’est inspiré d’une lecture par Freud de la « Sainte Anne » pour en effectuer une relecture surréaliste. Son tableau « Le Baiser » fusionne les formes de celui de Léonard. En émergent une tête, un pied, une main, et un oiseau bleu, souvenir du manteau de la Vierge.
La "Sainte Anne", l'ultime chef-d'oeuvre de Léonard de Vinci, Musée du Louvre, Paris 1er
Tous les jours sauf mardi, 9h-17h45, mercredi et vendredi jusqu'à 21h45, samedi et dimanche jusqu'à 19h45
Tarifs : 11€ (billet jumelé 14€)
gratuit pour les moins de 18 ans et les chômeurs
Jusqu'au 25 juin 2012
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