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L'anguille comme unité de mesure ? Découvrez l'exposition "Fonds Commun"

En ce moment a lieu à la Cité du Design de saint-Etienne l'exposition "Fonds Commun", totalement supervisée par les élèves de l'école des Beaux-Arts de la ville, qui ont eu pour cela le privilège de piocher dans la collection du FRAC Auvergne. Voici une sélection de 6 d'entre elles.
Article rédigé par franceinfo - Lucas Ottin
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Vue de l'exposition
 (Aymeric Labarre)

"Sans titre" de Toni Grand
 (Aymeric Labarre)

Reconnu comme l'un des sculpteurs français les plus intéressants de sa génération, adepte du courant "Support/Surface", Toni Grand s'intéresse ici à l'idée de la mort, de la décomposition mais aussi de l'immuabilité dans la sculpture. Il a ainsi figé les cadavres de quatre anguilles dans de la résine synthétique, figeant à jamais leur détérioration, et créant une opposition entre l'organique des poissons, la platitude de la résine et la froideur du socle en métal. Ce support devient alors une règle, dont les marques coïncident avec les têtes et queues des animaux emprisonnés, comme pour en faire les étalons d'une unité de mesure imaginaire.

"73 - 74 C" de Martin Barré (à gauche)
 (Aymeric Labarre)

Artiste français assez inclassable, Martin Barré travaille quant à lui sur l'empilement des compositions, traçant plusieurs couches de lignes et formes géométriques avant de les éluder par une couche de blanc. En ressort une impression de profondeur, et une simplicité qui dénote avec l'intelligentsia de l'art abstrait, puisque Barré ne revendique aucune démarche idéologique ou conceptuelle dans ses oeuvres, mais bien un "affleurement" de la toile, sensible et primitif. Il cherche ainsi à se soustraire au poids de la peinture dans le temps, puisque celle-ci finit toujours recouverte par une nouvelle structure, identique et pourtant différente. Cette pièce, intitulée 73-74 C fait partie d'une gigantesque composition formée de plusieurs toiles de cette dimension. 

"Analgesia 900" de Paolo Grassino
 (Aymeric Labarre)

Analgesia 900 est l'oeuvre du sculpteur-plasticien Paolo Grassino, né en Italie en 1967. On y trouve une dimension apocalyptique souvent présente dans son oeuvre, à travers cette meute menaçante, surgie d'une épave de voiture. En acier, PVC et mousse de polystyrène, cette sculpture est ensuite recouverte de cirage. La disposition des éléments,  laissée à la discrétion des exposants, a permis aux élèves des Beaux-Arts de placer à l'entrée de cette exposition, tournée directement vers les visiteurs y pénétrant, une pièce forte et accessible. Difficile en effet de ne pas s'approcher au plus près et même toucher ces chiens, inquiétants par leur attitude mais attirants par leurs formes.

"Sans Titre" et "Sans titre (réf. 76)" de Gilgian Gelzer
 (Aymeric Labarre)

Deux oeuvres de l'artiste suisse Gilgian Gelzer, Sans Titre et Sans Titre (réf. 76) sont également visibles dans cette exposition. Touche-à-tout (peinture, dessin, photo), il se sert de la toile comme d'un exutoire. Traçant au sol ces lignes dansantes et torturées à la manière des surréalistes et de l'écriture automatique, il créée une chorégraphie graphique, un itinéraire au fusain, aux profondeurs multiples. Pour la peinture, toujours aussi instinctif, il se laisse aller à de grands à-plats de couleur, brutaux et inspirés, pour fixer spontanément sur la toile une vision subjective de la réalité.

"Babylon Noise" de Fabian Marcaccio (à gauche)
 (Aymeric Labarre)

L'argentin Fabian Marcaccio est quant à lui l'inventeur du terme "paintant" ("painting" + "mutant"), des toiles où il mélange les techniques pour un résultat "moderne" et très en relief. L'oeuvre exposée, Babylon Noise est une représentation des attentats du 11 septembre 2001 : ce qui ressemble à gauche à des composants électroniques est en fait la carte, sérigraphiée, de Manatthan, sur laquelle viennent s'écraser par la droites les 4 rubans simulant les trajectoires des 4 avions meurtriers. Les deux bandes blanches au milieu et à droite seraient donc les deux tours, et cet ensemble chaotique à lier avec le mythe de la Tour de Babel, détruite par la punition de Dieu.

"L'homme le plus puissant" de Yan Pei Ming
 (Aymeric Labarre)

Enfin, c'est L'Homme Le Plus Puissant, gigantesque portrait réalisé par Yan Pei Ming et représentant son propre père, qui accueille également les visiteurs à l'entrée de "Fonds Commun". Un visage asiatique monumentale, qui rappelle inévitablement les portraits minimaliste de la République Populaire de Chine de Mao. Grand défenseur de la peinture en tant qu'art simple et efficace, Ming s'engage donc totalement dans cette vision des choses puisque cette toile de 3,4x4 mètres demande dans sa réalisation une implication totale du corps de l'artiste, occupé à retranscrire la physionomie d'un visage aux proportions énormes. Un travail, qui s'il n'en a pas l'air est pourtant engagé, puisque Yan Pei Ming avant de vivre en France peignit longtemps en Chine, et prit position contre le régime de Mao, grand consommateur de portraits aussi imposants qu'inquisiteurs.

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