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Dans les pas de Paul Cezanne au pied de la montagne Sainte-Victoire

Le nom de Paul Cezanne est intimement lié à la Provence et plus particulièrement à la montagne Sainte-Victoire. Le peintre, ami des impressionnistes, y puisait son inspiration et restait des heures à contempler sa nature à la fois changeante et immuable. Aujourd'hui encore, la région reste imprégnée de la mémoire de Cezanne, sa maison et son atelier en sont les meilleurs gardiens.
Article rédigé par franceinfo - O. Morain / V Gaget
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (Valérie Gaget)

Une équipe de France 3 est partie cet été sur les traces de Paul Cezanne pour s'imprégner de l'univers du peintre né à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) en 1839. Dans la maison qu'il a fait construire en 1902 sur la colline des Lauves, rien n'a changé ou presque. Cézanne a vécu là les quatre dernières années de sa vie.

Reportage : V. Gaget / O. Palomino / E. de Pourquery / H. Cardon / S. Ripaud

Dans le jardin subsistent encore des arbres qu'il a plantés. Et à l'étage, dans son atelier, restent toutes ses affaires, même ses vêtements. Sur un porte-manteau, près de la fenêtre, on trouve la redingote verte qu'il portait sur cette photo d'Emile Bernard mais aussi son manteau noir, son chapeau melon, son béret et même sa blouse de peintre.

Cézanne en 1904 dans les environs d'Aix-en-Provence
 (Emile Bernard)

Il y a aussi de nombreux objets qu'il utilisait pour composer ses natures mortes: une petite statue représentant un angelot, des pots, une table en bois avec une bouteille et un verre, des pommes, des oignons et aussi, plus incongru, trois crânes qu'il a reproduits sur un fameux tableau.

  (Valérie Gaget)

Dans ce bel atelier éclairé au nord par une grande verrière, on trouve aussi le matériel qu'il emportait pour peindre la Sainte-Victoire. Directeur de l'Office de Tourisme d'Aix-en-Provence, Michel Fraisset nous montre sa palette, ses tubes de peinture, sa besace et le sac à dos sur lequel il fixait ses chevalets portatifs avant de partir à l'assaut de la montagne.

La Sainte-Victoire, la passion d'une vie

Cezanne s'est attaché dès l'enfance à la Sainte Victoire, un bloc de calcaire de 18 kilomètres de long situé à l'est de la ville. Avec son ami Emile Zola, le futur écrivain, il parcourt ses chemins et grimpe jusqu'au sommet à 1 011 mètres d'altitude. Devenu peintre, il la place d'abord à l'arrière-plan de ses tableaux. Puis peu à peu, il s'en rapproche, comme s'il cherchait à apprivoiser sa nature sauvage et finit par la placer au centre de ses toiles comme motif principal. Entre 1885 et 1906, il l'a représentée près de 90 fois. On recense précisément 44 huiles et 43 aquarelles exposées dans les plus grands musées. Cezanne marche des heures à la recherche des meilleurs points de vue. Il veut la peindre dans toute sa splendeur avec ses couleurs changeantes et sa géométrie parfaite, en forme de triangle, qui le fascine. La Sainte Victoire est pour lui comme un secret à percer. 
La montagne Sainte Victoire vue de Bibémus par Paul Cézanne

Les ocres de Bibémus

Dès 1895, il loue à un ami un cabanon situé dans les anciennes carrières de pierre de Bibémus qui ont servi à bâtir la ville d'Aix-en-Provence. L'exploitation a cessé à la fin du XVIIIème siècle. De là, il a un magnifique point de vue sur la plaine et sur le profil imposant de la Sainte Victoire. Même s'il n'est pas un peintre abstrait, Cézanne n'hésite pas à déformer les arbres, les maisons, la montagne, à recomposer le paysage en modifiant ses perspectives pour mieux le mettre en valeur. Dans le tableau "La Sainte Victoire vue de Bibémus", il a par exemple volontairement grossi la montagne comme si elle surgissait des pierres rouges de la carrière. Il a aussi crée un effet de profondeur par le jeu de couleurs complémentaires: au premier plan le vert des pins, au second plan, les rochers d'ocre et enfin la montagne qui s'imprime, majestueuse, sur un ciel bleu. Il sera le père de l'art moderne. 
Plus qu’un simple sujet, la montagne Sainte-Victoire est devenue pour lui un être vivant, une muse à part entière.
  (France 3 / Culturebox / Capture d'écran)
De nombreux touristes se pressent aujourd'hui sur les traces du peintre aixois. Près de 70 000 personnes visitent chaque année sa maison-atelier, sauvée par deux Américains dans les années 50 et propriété de la Ville depuis 1969. On peut aussi se rendre, sur rendez-vous, dans les anciennes carrières de Bibémus. Un parcours avec des plateformes en bois y a été aménagé. Sur chacune, la reproduction d'un tableau de Cezanne à l'endroit même où il a posé son chevalet. "Le pin que l'on voit ici est peut-être un rejeton de celui qu'il a peint" nous montre en souriant Michel Fraisset, initiateur de cette promenade dans un environnement préservé. 
  (DELAGE HENRI/SIPA)

Dans les pas de Paul Cezanne 

Au sommet de la colline des Lauves, à deux kilomètres de son atelier, un autre site a été aménagé pour les promeneurs: le terrain des peintres. Neuf de ses tableaux de la Sainte-Victoire y sont reproduits, des plus classiques aux plus avant-gardistes. Une famille venue du Bangladesh est en admiration devant la "vraie" Sainte Victoire et ces tableaux qui la subliment. Amateurs d'art, ils disent avoir vu des tableaux de Cezanne dans les plus grands musées du monde notamment à New-York. "Mais ici, c'est différent, expliquent-ils. On peut en quelque sorte sentir l'âme du peintre ".
  (France 3 / Culturebox )
La Sainte Victoire est pour Cezanne une magnifique obsession. Il veut la saisir dans toutes ses lumières, ses expressions, ses couleurs et ses vibrations. Le 15 octobre 1906, il est encore "sur le motif" près du cabanon de Jourdan lorsqu'il est surpris par un orage. Il continue à peindre sous la pluie avant de faire un malaise et de perdre connaissance. Il mourra huit jours plus tard, à 67 ans, victime d'une pleurésie. Cezanne repose pour l'éternité au pied de sa muse. 

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