Cézanne et Paris au Musée du Luxembourg
"On a voulu faire de Cézanne un peintre solitaire, caractériel", en Provence, dit Denis Coutagne, co-commissaire de l'exposition. "Cette exposition veut corriger cette image. Même si Cézanne n'est jamais devenu Parisien, je crois qu'il a toujours eu besoin de Paris", ajoute-t-il.
En 1861, Paul Cézanne, né en 1839 à Aix-en-Provence, monte à Paris sur les conseils de son ami Emile Zola.
Cézanne viendra 21 ou 22 fois à Paris mais ne s'y installera jamais : il habite dans 20 appartements différents lors de ses nombreux séjours. Bien sûr, Cézanne vient à Paris parce que c'est là que se trouvent les marchands, les galeries et les artistes novateurs. Pour ceux-ci, Paris est devenue la "nouvelle Rome."
Paris n'est pourtant pas la ville que Cézanne va peindre. Il y peint des portraits et des natures mortes, et va peindre sur le motif dans ses environs, Pontoise, Auvers-sur-Oise, Fontainebleau, les bords de Marne.
L'exposition du Musée du Luxembourg raconte l'histoire des rapports du peintre avec Paris, tout le long de sa vie.
Cézanne ne peint pas Paris
Cézanne n'a peint que cinq vues de Paris et il ne peint jamais l'activité urbaine, les boulevards, les gares. "Il n'y a personne dans les villes de Cézanne", comme dans ses paysages, souligne Denis Coutagne. "C'est tout sauf de la narration. C'est sobre, rigoureux, intemporel."
En 1881-1882, Cézanne peint les toits de Paris, "une des rares vues synthétiques de Paris", depuis sa fenêtre de la rue de l'Ouest. La vue est barrée par une grande surface de toit de zinc au premier plan. Un tableau "très moderne", qui annonce le cubisme, selon Denis Coutagne.
Travail dans la nature, avec les impressionnistes
A Paris, Cézanne rencontre les impressionnistes, avec lesquels il va peindre sur le motif, en région parisienne. Même s'il va emprunter une autre voie, il accompagne Pissarro à Pontoise pour peindre en plein air avec lui. Alors que les impressionnistes analysent la variété des contrastes et des tons, Cézanne construit une composition rigoureuse.
Il rejoint le docteur Gachet, graveur et collectionneur, à Auvers-sur-Oise. En 1879-1880, il passe une année à Melun où il peint « Le Pont de Maincy », « un tableau majeur », selon Denis Coutagne. « Un tableau complètement construit avec des formes géométriques », où les arbres créent des rythmes. Cette œuvre charnière marque, selon les spécialistes de Cézanne, la rupture formelle avec l’impressionnisme et le début de sa période dite « constructiviste ».
Les « baigneuses » en gestation à Paris
Paris, pour Cézanne, c’est aussi le corps des femmes. C’est là qu’il se confronte au corps féminin « comme lieu de ses fantasmes », explique Denis Coutagne. Au Louvre, qu’il fréquente assidument, il découvre les Vénus, les Diane des maîtres anciens, notamment Titien. Dans « L’Eternel féminin ou le Veau d’or », il représente une femme « lourde », qui « ne cherche pas à être belle ». Ses recherches déboucheront sur les « baigneuses », thème essentiellement traité en Provence mais ébauché à Paris.
Le va-et-vient entre Paris et la Provence est essentiel dans le travail de Cézanne, affirme Denis Coutagne. A Paris, Cézanne ébauche. Et quand il a trouvé quelque chose, il descend en Provence pour voir si ça marche.
Des pommes sur fond de papier peint
A Paris, Cézanne peint aussi des natures mortes, qui seront un thème essentiel de son travail. Et des portraits de sa femme, qu’il conçoit comme une nature morte, sur le même fond de papier peint géométrique. Les portraits d’Hortense Fiquet sont loin des nus de Cézanne : d’elle, on ne voit pas un pouce de peau. « Elle a un mérite, c’est de poser comme une pomme », disait-il d’elle.
A la fin de sa vie, dans les années 1890, Cézanne travaille sur les bords de Marne et à Fontainebleau, « en retrait, en silence », dans une « liberté totale ». Pour Denis Coutagne, la montagne Sainte-Victoire «raconte encore une histoire. Là, on n’a plus d’histoire ». Les dernières vues des bords de Marne sont difficilement identifiables : quelques touches quasiment de la même couleur, et plus rien du tout d’anecdotique.
Cézanne et Paris, Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris
Tous les jours, 9h-22h du vendredi au lundi, 10h-20h du mardi au jeudi
Tarifs : 12€ / 7,5 €, gratuit pour les moins de 13 ans et les bénéficiaires des minima sociaux (RSA, ASS, ASPA)
Du 12 octobre au 26 février
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