Art numérique : à Strasbourg, les "Promenades Aléatoires" de Vera Molnár entremêlent peintures et algorithmes
L'espace Apollonia consacre jusqu'au 23 janvier 2022 une exposition à la pionnière de l'art numérique.
Elle est la doyenne de l’abstraction française depuis qu’elle a découvert l’ordinateur en 1968 et continue, à 98 ans, à renverser les figures géométriques, avec une nouvelle exposition à l'espace Apollonia de Strasbourg.
Depuis plus de 70 ans qu'elle crée, Vera Molnár a tissé des liens étroits avec plusieurs courants artistiques. Du cubisme de Klee ou Mondrian à l'impressionnisme de Monet, elle explore les imaginaires picturaux des peintres et offre sa propre perception du monde. Avec son carré magique, par exemple, elle sonde l'univers de Dürer. Elle puise dans Melencolia l'emblématique damier et le transpose dans ses dessins. Comme Dürer à son époque, elle suit ce fil rouge, et réinvente à son tour la composition picturale à l’aide des mathématiques, jouant avec les algorithmes et les principes numériques. Reliant tantôt les numéros pairs et impairs, tantôt ceux de sa date de naissance : 1924.
Composé comme un dessin aléatoire aux lignes rouges et bleues, le résultat ressemble à une signature épurée. Et pourtant, derrière la composition artistique se cachent de savants calculs. "Elle a travaillé avec les algorithmes et elle a complètement chamboulé le principe de la peinture", détaille Dimitri Konstantidinis, directeur Association Apollonia. Chez Cézanne, c'est la mythique Montagne Sainte-Victoire, qu'elle modélise avec ses gouaches ou papiers déchirés.
L'art du désordre bien ordonné
Âgée aujourd'hui de 98 ans, Vera Molnár utilise l’ordinateur dans son travail depuis des décennies, sans qu’il ne lui dicte ses choix artistiques pour autant. Ce qu’elle attend de lui, ce sont des variations, une multitude de possibilités. C'est ce qu'elle appelle "mettre 1% de désordre". Chez Vera Molnár, la machine est vraiment mise au service de sa liberté artistique et non l’inverse. "Elle introduit quelque chose qui va déranger la logique de l'ordinateur, et c'est justement ce désordre qui l'intéresse. Il ne faut pas laisser la machine dicter notre vie, c'est le message de Vera Molnár", rapporte encore Dimitri Konstantidinis. Ses créations souvent très détaillées et produites à grande échelle expliquent cette méthode de travail où l’outil informatique lui sert seulement d’assistance.
Entrelacs de lignes et de courbes
Aujourd’hui représentée par la galerie rennaise Oniris, se déplaçant difficilement, Vera Molnár accueille volontiers les journalistes dans sa maison de retraite parisienne pour parler de son travail : "Je suis très vite tombée amoureuse du carré et du cercle parce que ce sont des formes géométriques inventées par l’homme. Ça n’existe pas dans la nature. J’adore tout ce qui est artificiel, comme les mathématiques ou les avions", confiait-elle à Libération dans une interview (réservée aux abonnés).
"Promenades aléatoires de Vera Molnár" à l'espace Apollonia de Strasbourg jusqu'au 23 janvier 2022. Ouvert de 11h à 18h du mercredi au vendredi et de14h à 18h le samedi et dimanche. Entrée libre.
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