Musée de Maranello : Sainte Ferrari, prions pour vous !
Vous prenez alors deux risques : la colère de votre compagne qui déteste les bagnoles et le choc religieux avec un lieu sanctifié. Visite guidée.
La fillette doit avoir sept ou huit ans. La voilà qui prend la pose, façon starlette sous le haut commandement de son père équipé d’un Nikon dernier cri. D’autres collecteurs de clichés s’énervent de voir des étrangers dans le champ. Il faut la voiture, rien que la voiture. Tout doit être impeccable, au moins pour l’image. Car tel est le credo de ceux qui aiment Ferrari. On est au beau milieu d’un énorme vacarme avec bruit de moteurs en course, et cris de foule exaltée par la victoire.
Huit monoplaces sont disposées sur un plan incliné en arc de cercle. Elles retracent une trentaine d’années de compétition, rien ne manque, pas même les casques et les portraits de ceux qui les ont pilotées. Cela ressemble à une crypte où la dévotion se joue pied au plancher. Un peu plus loin, la confirmation du caractère sacré des lieux. Le bureau du père fondateur, Enzo Ferrari a été reconstitué derrière une imposante vitrine. Quelques coupes sur une étagère, papier, stylo et lui, en costume sombre et visage de cire derrière une grosse paire de lunettes fumées. Une étrangeté absolue. Là aussi les smartphones tirent le portrait du seigneur des lieux.
Officiellement 250 000 fidèles viennent en visite chaque année. Enzo sache le, ici on prie pour toi ! Il en coûte 13 euros au pèlerin pour découvrir les objets du culte, entendez les automobiles. Comme pour les toiles de maître, interdiction de les toucher. Sur trois niveaux, les modèles, les formes, ou les tentatives restées sans lendemain défilent sous les yeux innocents des adorateurs du mythe. La Berlinetta 250gt de 1956 et sa sœur de 1959 gardent fière allure avec leurs capots qui n’en finissent plus. La 250 Le Mans et sa bande tricolore fait rêver le visiteur français qui cède à la nostalgie du départ en course à pieds des anciennes 24 heures. Et le paroissien des quatre roues de se tourner vers sa droite, ici se tient la chapelle du grand tourisme. L’Inter, la California ou la Dino sont à portée de main mais pas de portefeuille. Sur ce point, le musée est d’une discrétion exemplaire. Renseignements pris, l’objet désiré qui sort actuellement d’usine se situe entre 220 000 et 380 000 euros. Chaque année la firme en fabrique environ 7000. Mais il y a toujours mieux et plus.
Au second étage se situe le septième ciel avec les super cars, en fait des voitures d’essai pour tester les suspensions ou de nouveaux dispositifs d’énergie, électrique par exemple. Verte, métallisée ou intégralement recouverte de lamelles noires pour passer incognito, ces engins ont tous plus ou moins contribué à l’élaboration du projet F150 devenu le F70, pour adopter finalement le nom définitif de « Laferrari », en un seul mot. On peut suivre, de véhicule en véhicule, tout le processus d’élaboration du miracle rouge. Le musée appelle cela, « Ferrari d’un autre monde ».
De fait, on ne sait si on est en présence d’une automobile ou d’un avion, ou des deux. Les lignes sont toutes en courbe, en creux, en puissance. On a beau être réfractaire à la chose motorisée, incroyant à l’égard du mythe au cheval cabré, ce qu’on voit là vous laisse assez stupéfait. Tout est hors norme, à commencer par la capacité d’accélération de la chose (dont vous n’avez certes que faire sur votre route, mais quand même…), 3 secondes pour atteindre les 100 km/h, 7 secondes pour les 200, et 15 pour les 300. Elle a été vendue à 499 propriétaires pour la modeste somme d’un peu plus de 1 million 200 000 euros. Mais il y a paraît il, des milliers de déçus de par le monde. Ferrari est restée inflexible.
Vers la sortie du musée, les marchands du temple vous proposent à peu près tout, pourvu que cela soit frappé du sigle divin, de la paire de chaussures au blouson. A l’extérieur un mini bus vous attend. Il vous conduira vers le circuit privé de Maranello, situé à deux pas. Et là vous aurez peut être le droit de vous installer aux commandes d’un bolide. Beaucoup renoncent à ce contact direct, préférant rester dans la religiosité du moment, ce qui suppose par définition, l’inaccessible.
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