Iturria tire son dernier trait de 40 ans de dessin de presse dans Sud Ouest
"Cela fait 40 ans que je livre un exercice de dessin quotidien et j'avais envie de passer à autre chose", a dit Iturria à l'AFP depuis sa résidence en Corse d'où est originaire son épouse. "Je vais oublier les hommes politiques au jour le jour, mais je vais continuer à dessiner", notamment chaque semaine dans l'édition de Sud Ouest dimanche.
Auteur de 12.000 dessins pour Sud Ouest, Iturria, 66 ans, se décrit comme "un autodidacte" qui a "toujours voulu dessiner".
"Il n'était pas question pour moi d'aller faire les Beaux-arts. J'ai alors fait du droit, cela me laissait du temps pour faire des dessins" et notamment recopier ceux de ses "modèles": Chaval, Sempé, Tomi Ungerer ou encore Bosc.
Il a d'abord "pigé à tour de bras dès 1964", notamment pour L'os à moelle, Pilote, Lui ou Télérama qui ont publié un millier de ses dessins.
"C'est quand Pompidou meurt et qu'une nouvelle campagne commence que je reçois un coup de fil de Sud Ouest", raconte-t-il, soulignant qu'à l'époque, seuls Le Figaro et Le Monde avaient des dessinateurs salariés.
"Dans l'histoire du dessin de presse en France, il y a eu un tournant après 68 quand les grands journaux nationaux, Le Monde en premier, décidaient d'appliquer l'humour à l'actualité et faire du dessin politique", raconte ce descendant de Basques espagnols né à Bordeaux en 1946.
Le premier dessinateur de presse régionale
"Sud Ouest avait alors un jeune directeur, Jean-François Lemoine, qui considérait son journal équivalent à ceux imprimés à Paris. C'est comme cela que j'ai été le premier dessinateur de presse quotidienne régionale embauché", en 1974.
Il n'a ensuite jamais voulu bouger de sa région car dit-il "je m'inscrivais dans le « vivre et travailler au pays ». J'ai voulu y rester et ne l'ai jamais regretté. Je suis un véritable girondin par rapport aux Jacobins", s'amuse-t-il.
Cette opposition qui lui tient tant à cœur a d'ailleurs été le sujet de son premier dessin politique, en 1973, lorsque Pompidou dissout les organisations autonomistes. "Je l'ai dessiné au centre de la carte de France disant « au coin! », tandis que Bretons, Corses et Basques répondaient « on y est déjà! »".
Lors de la rétrospective qui lui a été consacrée en juin au musée d'Aquitaine à Bordeaux, les commissaires soulignaient que "Michel Iturria, c'est aussi un élément constitutif du patrimoine régional".
De cet amour pour le Sud-Ouest et le rugby, qu'il pratiqua "en dilettante au poste de talonneur", Iturria a tiré la fameuse série des Rubipèdes parue d'abord dans Pilote, avec le soutien de Goscinny.
"Avec un dessin, on peut tout dire"
Une planche quotidienne dans Sud Ouest dimanche et huit livres donneront ses lettres de noblesse au dessinateur dans le monde de l'ovalie.
L'homme, qui ne goûte pas "à la provocation" ni à "l'humour facile", est "convaincu qu'avec un dessin on peut tout dire, mais il y a plusieurs manières de le dire".
"Je voulais faire passer des idées. Si j'étais trop dans la provocation, je cassais le fil avec le lectorat, j'étais obligé à la nuance", dit-il en résumant: "L'humour noir oui, le scato non".
La page du dessin politique presque refermée - 31 recueils publiés dont "La vie comme elle va" (Le Castor Astral), le dernier en date -, Iturria réfléchit à de nouveaux horizons.
"L'école d'humour pur qui se rapproche de la comédie de mœurs n'existe plus aujourd'hui. Peut-être vais-je me tourner vers cet humour pur", dit-il.
Pour lui, "le dessin est un art curieux où il n'y a pas de prodiges et où on fait des progrès en vieillissant. J'ai donc encore de la marge".
Voir tous les dessins d'Iturria publiés dans Sud Ouest sur ce blog
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.