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Internement des gens du voyage au camp de la Forge : parcours de mémoire

Près de 70 ans après la libération des derniers tsiganes internés en France, une exposition sur cette page peu connue de la Seconde Guerre mondiale a débuté à Moisdon-la-Rivière, en Loire-Atlantique, pour "que cela ne recommence pas". Elle est destinée à demeurer sur le site du camp.
Article rédigé par franceinfo - Culture Box avec AFP
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Raymond Gurême, en 2010, alors agé de 85 ans, il montre sa carte d'interné. Il a été arrêté et interné avec sa famille dans les camps pour "nomades" lorsqu'il avait 15 ans.
 (AFP / BERTRAND GUAY)
Financée par le conseil régional des Pays de la Loire, ce parcours mémoriel est présenté dans un lieu méconnu mais révélateur de la répression qu'a subie cette communauté durant l'Occupation : l'ancien camp de La Forge, à Moisdon-la-Rivière, entre Nantes et Rennes.

Plus de 200 tsiganes, hommes, femmes et enfants, ont été internés dans cette ancienne ardoiserie, dont subsiste encore une grande grange en pierre, à partir de 1940, dans des conditions particulièrement éprouvantes. L'endroit, encaissé et inondable, fut d'ailleurs jugé tellement insalubre qu'il finit par être fermé en 1942. "Des enfants sont morts à cause des conditions de vie là-bas, on ne sait pas combien... Mais on sait aussi qu'il y a eu de la solidarité locale, des gens qui portaient de la nourriture au camp, par exemple", note le prêtre nantais Christophe Sauvé, l'un des organisateurs, lui-même membre de la communauté des gens du voyage et défenseur de familles roms.
Anti-tsiganisme
"Aujourd'hui un anti-tsiganisme fort, contre les gens du voyage comme contre les roms, s'installe en Europe, les familles ont peur, elles le disent", souligne le père Sauvé, qui est également président de l'Association nationale des gens du voyage catholiques. "J'ai encore entendu récemment une vieille femme, qui avait vécu l'internement, me dire avant l'exposition: +il faut pas en parler, sinon ils vont recommencer+", ajoute-t-il. "Au contraire, je crois qu'il faut connaitre cette histoire, pour que ça ne recommence pas".

Reportage : D. Le Mée, C. Amouriaux
De 6.000 à 6.500 internés en France
Le camp de la Forge a d'abord accueilli, en 1939, plusieurs centaines de républicains espagnols, puis à partir de 1940 plus de 200 "nomades", "forains", "romanichels", "bohémiens", "tsiganes" ou "roms", selon les appellations données par les administrations françaises et allemandes. Après sa fermeture en 1942, ses prisonniers furent transférés pour beaucoup dans le plus important de la trentaine de camps d'internement de tsiganes de France, à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Au total, selon les historiens, de 6.000 à 6.500 tsiganes français furent internés, et ce jusqu'en 1946, bien après la libération du territoire national.

A la différence des tsiganes et roms d'Europe de l'Est dont beaucoup furent victimes des camps d'extermination, où selon l'estimation basse périrent quelque 220.000 d'entre eux, soit le quart de leur population d'avant-guerre, les tsiganes français ne furent pas massivement livrés aux camps allemands. Mais dès avril 1940, ordre leur fut donné par un décret-loi du gouvernement de Vichy, par crainte d'"espionnage", de rester "cantonnés" dans des communes que leur assignaient les préfets.

En octobre 1940, les autorités allemandes ordonnèrent aux autorités françaises de les interner. Cette page reste toutefois méconnue, y compris à Moisdon, où la première commémoration à La Forge "n'a eu lieu qu'en 2008", relève le père Sauvé.

Le 19 octobre 2013, après le vernissage de l'exposition, a été projeté le film "Liberté" de Tony Gatlif - le réalisateur notamment de "Gadjo Dilo" - qui illustre cette douloureuse tranche d'histoire. L'exposition est constituée de panneaux qui retracent l'histoire du camp et l'illustrent à l'aide des rares photos retrouvées et de dessins faits par des lycéens des environs ainsi que des enfants "Voyageurs". 

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