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Gaultier, McQueen, Lagerfeld : la mode entre triomphalement au musée

Jean Paul Gaultier, Jeanne Lanvin, Yves Saint Laurent à Paris, Alexander McQueen à Londres, Karl Lagerfeld à Bonn : les expositions de mode attirent un public de plus en plus large, curieux d'admirer de ses propres yeux des créations habituellement réservées à un cercle restreint de clients, de journalistes et d'acheteurs.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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La rétrospective Gaultier au Grand-Palais à Paris
 (CITIZENSIDE/NICOLAS KOVARIK / citizenside.com)
Karl Lagerfeld est mis à l'honneur sur sa terre natale : le Centre national d'Art et d'Expositions de Bonn en Allemagne accueille jusqu'en septembre une grande rétrospective consacrée au couturier-star, organisée par sa muse et bras droit Amanda Harlech.
Rétrospective Karl Lagerfeld à Bonn
 (OLIVER BERG / DPA / dpa Picture-Alliance)
A Londres, le Victoria and Albert Museum (V&A) accueille sa plus grande exposition jamais consacrée à la mode avec "Savage Beauty", sur l'oeuvre d'Alexander McQueen, cinq ans après la mort du designer britannique, qui s'est suicidé en 2010 à 40 ans. Avec plus de 660.000 visiteurs en 2011, ce "blockbuster" est devenu la huitième exposition la plus vue du Metropolitan Museum of Art à New York, où elle était organisée par le Costume Institute.

3 grandes expositions à Paris : Gaultier, Lanvin, Saint Laurent

"Ceux qui n'ont pas la chance d'assister à des défilés de mode voient rarement ce qu'est vraiment une création de haute couture", dit Jean-Paul Cluzel, président de la Réunion des Musées nationaux-Grand Palais, où débute le 1er avril la rétrospective Gaultier. "Les meilleures images, les meilleurs reportages télévisés n'arrivent pas à rendre compte de la richesse d'un tissu, d'une broderie. Seule une exposition peut permettre cela pour le commun des mortels", a-t-il affirmé lors d'une présentation de l'exposition à la presse. Lancée en 2011 au Musée des Beaux-Arts de Montréal, elle a déjà attiré 1,4 million de visiteurs au cours de ses neuf premières étapes dans le monde.

La Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent présente la collection dite "Libération". Jugée hideuse par la presse de l'époque, elle est, aujourd'hui, estimée fondamentale dans la mode contemporaine. 28 des 80 modèles sont à découvrir.
Exposition "Yves Saint Laurent 1971. La collection du scandale" du 19 mars au 19 juillet 2015. Fondation Yves Saint Laurent. 3, rue Léonce Reynaud. 75016 Paris. Tous les jours sauf le lundi de 11h à 18h. Le catalogue de l'exposition "Yves Saint Laurent 1971, la collection du scandale" (Flammarion) reconstitue en confrontant les dessins de collections, les échantillons de tissus et les photographies du défilé, comme autant de pièces à conviction, ce moment charnière de l’histoire de la mode du XXe siècle. Focus sur trois temps clefs : l’influence des années 1940 par Dominique Veillon, spécialiste de l’époque, le déroulé des événements décrit par Olivier Saillard, étoffé de témoignages des personnes qui les ont vécus, et, enfin, un essai qui aborde les retentissements dans la presse française et étrangère.
 
 (Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent, Paris)
Enfin, à 125 ans, Lanvin est la plus ancienne maison de couture en activité. Son directeur artistique Alber Elbaz, en collaboration avec le Palais Galliera, célèbre Jeanne Lanvin au travers d'une centaine de modèles. Ici, c’est l’art de la matière et de la transparence, des broderies et des surpiqûres dans un classicisme à la française. Un savoir-faire raffiné à découvrir jusqu'au 23 août.

La pionnière, Diana Vreeland

C'est dans le cadre du Met que s'était tenue en 1983 "Yves Saint Laurent, 25 ans de création", première rétrospective consacrée à un couturier vivant, lancée à l'initiative de la journaliste américaine Diana Vreeland. Pour Diana Vreeland, qui a conçu de nombreuses expositions de mode, la façon de "rendre le vêtement vivant c'était de l'associer à un individu charismatique", explique à l'AFP Harold Koda, conservateur du Costume Institute.

"Elle créait des installations avec des murs colorés, des éclairages spectaculaires, des parfums, de la musique. C'est quelque chose qui s'est répandu partout dans le monde", rappelle-t-il. Mais l'une des choses qui a changé, c'est qu'elle "n'était pas très à cheval sur les faits", dit Harold Koda dans un éclat de rire. "Si les gens voyaient ses expos aujourd'hui ils diraient 'mais il n'y a pas de substance !' Le public est devenu incroyablement exigeant", affirme-t-il.

Eviter l'opération commerciale 

L'audience de ces expositions s'est aussi considérablement "élargie", dit Harold Koda : hommes, femmes, la mode est devenue "un sujet qui intéresse tout le monde". "Il est difficile d'échapper à la mode, la publicité est partout! Et puis c'est quelque chose qui fait rêver", déclare Olivier Gabet, directeur du Musée des Arts décoratifs à Paris qui organise depuis près de trente ans deux à trois expositions de mode par an. Pour cet historien de l'art, il est important de faire la distinction entre les musées comme celui qu'il dirige, ou le Palais Galliera à Paris, le Met et le V&A, qui ont la charge de collections de mode, et les institutions qui surfent sur "un sujet porteur". Il insiste sur l'importance d'accompagner les créations d'un "discours scientifique ou artistique": "Il faut qu'il y ait un point de vue et une analyse. Sinon c'est une opération commerciale".
Si la collaboration du musée avec le créateur est précieuse pour connaître ses intentions, le danger est qu'il "soit son propre commissaire", note Olivier Gabet. L'exposition au Musée des Arts décoratifs consacrée au créateur belge Dries Van Noten en 2014, qui a accueilli 180.000 visiteurs, avait suscité "un vrai dialogue, assez âpre quelquefois" avec le designer, explique-t-il. Depuis "Dries van Noten. Inspirations" s'est installée au musée de la mode d’Anvers jusqu'au 19 juillet 2015. "Au Met, à chaque fois que nous collaborons avec un créateur, l'accord de départ c'est qu'il doit nous laisser interpréter son oeuvre. Ce n'est pas négociable", dit aussi Harold Koda.

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