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Lyon City Des!gn : Eric Brun-Sanglard, un architecte aveugle visionnaire

Eric Brun-Sanglard est un architecte d'intérieur atypique. A 32 ans, il devient aveugle suite à un virus. Grand homme d'affaires, sa carrière chute. Mais c'était sans compter sur sa passion pour la décoration. Il devient Blind Designer. En ouverture de "Lyon City Des!gn" (du 26 mai au 4 juin 2016), il a raconté son parcours et souligné l'importance de la lumière dans nos vies.
Article rédigé par franceinfo
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Eric Brun-Sanglard en conférence pour "Lyon City Des!gn"
 (Pierre-Aymeric Dillies)

Avant de commencer, Eric Brun-Sanglard décide de plonger la salle de conférence dans le noir complet. Une belle illustration pour comprendre son handicap. La lumière occupe une place importante dans notre vie quotidienne. Elle est le thème phare de cette nouvelle édition de "Lyon City Des!gn", un évenement cherchant à ouvrir le monde du design au grand public. Loin de "la pollution des enseignes commerciales", la lumière est avant tout source de chaleur, selon Eric Brun-Sanglard. Dans une ville, elle est même essentielle, mais malheureusement mal utilisée : "Les lumières chaudes et froides des lampadaires pourraient même aider les habitants à se repérer", confie le designer. 


Une carrière qui monte

Originaire de Chamonix, il part vivre aux Etats-Unis à seulement 17 ans. Son premier rêve est alors de devenir metteur en scène : "A l’époque, ce n’était que des blockbusters comme les films de Steven Spielberg et j’aimais le cinéma d’auteur." Résultat : il se dirige vers une université de communication, option photographie. "Pour moi, la lumière avait un sens complètement différent à cette époque. Je pensais alors que ce genre de domaine était strictement visuel", explique Eric Brun-Sanglard. Devenu directeur artistique en publicité spécialisée dans la parfumerie de luxe, ce dernier ouvre des entreprises à Los Angeles, New-York et Paris. En très peu de temps, Eric a la charge de toutes les plus grandes maisons de parfumerie dans le monde. Et il n'a qu'une vingtaine d'années.
 

Intérieur réalisé par Eric Brun-Sanglard
 (Eric Brun-Sanglard)


Et puis un jour, c’est le drame. "Je sentais un problème avec mon œil droit. On m’a annoncé que j’allais perdre la vue et très certainement mourir", raconte-t-il. Eric Brun-Sanglard a le virus "bartonella henselae", transmis par les chats. La maladie se propage alors très rapidement car il ne possède pas un bon système immunitaire. En effet, à l’âge de 21 ans, suite à une lourde opération, on lui annonce qu’il est séropositif. Aujourd’hui complètement guéri, il nous raconte comment il a trouvé sa voie dans l’architecture d’intérieur.
 

Le début d'une nouvelle vie

A l’époque, il a sa maison sur les hauteurs de Los Angeles. Sa maladie n’est pas encore diagnostiquée. Il décide alors de commencer des travaux par simple plaisir. Un matin, à son réveil, il perd complètement la vue. Comment vivre dans une maison avec un tel handicap ? Grâce au toucher, il apprend à ressentir les textures et les chaleurs : "Le verre ne nous donne pas la même sensation que le placo ou l’acier qui recouvre les portes-fenêtres".

Petit à petit, Eric Brun-Sanglard découvre sa maison autrement : "J’ai commencé à réutiliser mes sens comme l'ouïe. Je tapais par terre pour savoir s’il s’agissait de bois et dans mes mains pour produire un écho. De cette manière, je pouvais imaginer les dimensions de la pièce dans laquelle je me trouvais". Les sons deviennent ses nouveaux points cardinaux. 
 

Mylène Farmer est venue visiter une des mes maisons. Elle était beaucoup trop chère pour elle. Du coup, c'est Pénélope Cruz qui l'a acheté.

Eric Brun-Sanglard, designer et architecte d'intérieur

 

Ancienne propriété de Francis Ford Coppola dans les années 70 redécorée par Eric Brun-Sanglard
 (Eric Brun-Sanglard)


Son handicap comme outil

Il revendique la force de la lumière et l'énergie des couleurs : "Ce n’est pas parce que je suis aveugle que je ne ressens pas la chaleur." Il fait faire des ouvertures chez lui à l’aide de grandes fenêtres. Pour calculer les dimensions, il utilise son corps, et en particulier ses bras. Les artisans, avec qui il travaille, lui apprennent inconsciemment son futur métier d’architecte d’intérieur.

En pensant par son handicap, il adopte un nouvel état d'esprit : "Je touchais le mur en me demandant où est-ce qu’il serait logique que j'installe des interrupteurs ? Combien de pas je veux faire pour aller jusqu’au frigo lorsque je fais la cuisine ?". Il n’est plus question de visuel ou de beauté mais de confort et de bien-être. Il décide alors de mettre sa maison sur le marché. Cette dernière est vendue immédiatement. Il a trouvé son nouveau métier.
 

Extérieur réaménagé par l'architecte designer Eric Brun-Sanglard
 (Eric Brun-Sanglard)

 

Je me sentais comme un imposteur dans un milieu qui n'était pas le mien.

Eric Brun-Sanglard, designer et architecte d'intérieur


Du coup, il récidive. Il rachète deux maisons et recommence. Toutes les deux sont vendues à des prix plus élevés : "Aux Etats-Unis, tout est possible". Les gens le demandent même personnellement pour venir exécuter des modifications chez eux. En apprenant à s’adapter aux besoins et aux goûts de ses clients, Eric Brun-Sanglard se crée une carte de visite. Ce dernier finit par s’associer : "Une très mauvaise idée", selon lui. Et pour peu ! Son collaborateur le quitte et le laisse, seul, face à d’énormes dettes cachées. 
 

"Lyon City Des!gn" accueillait l'architecte Eric Brun-Slangard
 (Pierre-Aymeric Dillies)


Aujourd’hui, il se consacre au partage de son expérience tout en continuant de travailler. Il est professeur pour des écoles d’architecture telle que la CREAD et donne des conférences. Après avoir participé à des émissions de télé-réalité américaines, où il venait en aide à des familles pour reconstruire leur logement, il ajoute qu’il n’a jamais été sollicité pour améliorer le quotidien des personnes touchées par le même handicap que lui : "Le monde des non-voyants veut rester enfermé dans ses normes de sécurité. Moi je mets simplement de beaux tapis pour éviter les obstacles chez moi", s’amuse Eric.

 


En toute simplicité, ce dernier clôt sa conférence avec un dernier conseil : "Fermer les yeux pour mieux voir."
 

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