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Décès d'Andrée Putman, grande dame du design

La styliste française Andrée Putman est décédée samedi matin à l'âge de 87 ans à son domicile parisien, a indiqué son fils Cyrille. Designer et architecte d'intérieur de renommée internationale, elle était connue pour son style épuré et élégant, intemporel. Elle a signé le décor de nombreux hôtels, restaurants et boutiques chics mais aussi du mobilier et des objets du quotidien.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Andrée Putman en 2006.
 (Catherine Gugelmann / AFP)
Avec beaucoup de rigueur, de classe et un soupçon de fantaisie: la "grande dame du design" aimait à se définir comme une "touche-à-tout, , une  "exploratrice" toujours en quête de "nouveaux territoires".

La créatrice, se plaisait à mêler les matériaux et les époques, avec une prédilection pour le style Arts Déco. Deux éléments étaient essentiels pour elle: la lumière et  l'espace. Noir, blanc, beiges, gris, parfois un bleu Klein: la palette de couleurs était sobre.

Oiseau de nuit, figure du Palace et du Club 54
Grande, toujours coiffée d'un carré ondulé blond, élégante dans ses  tailleurs Thierry Mugler très structurés, Andrée Putman avait un maintien impeccable, conséquence d'un grave accident lorsqu'elle avait 20 ans. Egérie du Palace à la fin des années 70, visage familier du Club 54 à New York à la même époque, cette artiste était aussi une mondaine et une adepte de la fête au carnet d'adresses éclectique.

Travailleuse acharnée, exigeante, perfectionniste, Andrée Putman a fui jusqu'au bout l'idée de prendre sa "retraite". En 2007, son fils Cyrille et sa fille Olivia, sont venus l'épauler à l'agence Andrée Putman, une façon douce de passer le flambeau.

Ses obsèques se dérouleront mercredi à 14h en l'Eglise Saint-Germain-des-Prés.
Un goût pour l'épure venu de l'enfance
Issue de la haute bourgeoisie, Andrée Putman naît le 23 décembre 1925 à Paris, d'un père normalien et d'une mère musicienne. Ses vacances, elle les passe à l'abbaye de Fontenay, propriété familiale. La beauté de l'édifice cistercien nourrira en profondeur son goût pour les formes pures et élancées.

Après avoir travaillé un temps pour la presse féminine, elle se lance dans l'aventure Prisunic en 1958.  La jeune femme, qui a épousé le marchand d'art Jacques Putman et connaît de nombreux artistes, veut révéler l'art contemporain au plus grand nombre. Elle propose des lithographies numérotées de Pierre Alechinsky, Bram van Velde pour 100 francs de l'époque !  

En 1968, elle suit Denise Fayolle, qui vient de créer le bureau de style "Mafia". En 1971, elle prend la direction artistique de "Créateurs et industriels"  qui sera une pépinière de jeunes stylistes (Jean-Paul Gaultier, Emmanuelle  Khahn, Issey Miyake, Thierry Mugler), avant de fermer en 1976.

Un divorce plus tard, elle décide de voler de ses propres ailes. Elle fonde  "Ecart" en 1978, sort de l'oubli des designers de l'entre-deux-guerres comme  Robert Mallet-Stevens, Jean-Michel Frank ou Eileen Gray en rééditant leurs meubles.
Salle de bains de l'hôtel Morgans dessinée par Andrée Putman en 1984.
 (Deidi Von Schaewen)
Elle redécore le Concorde, travaille pour Jack Lang, enthousiame les Américains
Andrée Putman commence à dessiner des intérieurs pour des amis (Michel Guy, Karl Lagerfeld). Elle réalise le Centre d'arts plastiques contemporains de Bordeaux (CAPC). En 1984, elle aménage l'hôtel Morgans à New York dans un style minimaliste qui étonne. Il deviendra l'emblème des boutique-hôtels (ou hôtels design).

Les Américains s'enthousiasment pour cette designer,  qui incarne le chic français par excellence. Andrée Putman travaille le jour et  fait la fête la nuit.

Jack Lang, alors ministre de la Culture, lui confie la réalisation de son bureau. La première d'une série de commandes officielles. Elle redécore aussi  le Concorde pour Air France.

A la suite d'un différend avec son partenaire financier, Andrée Putman doit renoncer à "Ecart". Energique, elle repart et crée en 1997 l'Agence Andrée Putman, aujourd'hui dirigée par sa fille Olivia.
Une grande exposition rétrospective de son travail s'est tenue en 2011 à la mairie de Paris.
Le Concorde dessiné par Andrée Putman et exposé à l'Hôtel de Ville de Paris en 2011.
 (Deidi Von Schaewen)
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Le créateur Jean Charles de Castelbajac : "Andrée Putman était la Jeanne d'Arc du design. Il y avait du génie et de  l'héroïsme dans son travail. Elle était l'héritière du Bauhaus, dans la lignée d'Eilen Gray (designer irlandaise, ndlr) et d'autres grandes femmes créatrices qui ont fait aussi ce que la condition de la femme est aujourd'hui".  "Il y avait une dimension visionnaire dans son ouvre qui est aujourd'hui un  style à part entière, autour du noir et blanc", a-t-il ajouté.

L'ancien ministre de la Culture Jack Lang a salué "une grande dame, habitée d'une vraie  utopie: que l'art pénètre toute les couches de la société". "J'avais démandé à Andrée, qui était une amie, d'aménager mon bureau rue de  Valois", a-t-il dit à l'AFP."Ce qui est réjouissant, c'est que ce bureau est passé ensuite chez Lionel  Jospin au ministère de l'Education, puis à Matignon, où 5 premiers ministres l'ont conservé". "Elle était l'harmonie même, et elle savait la créer autour d'elle", a-t-il  souligné. "Si nous étions au Japon, elle aurait été depuis longtemps reconnue Trésor national".

La designer avait entretenu des liens étroits avec les créateurs et couturiers qu'elle admirait, a déclaré Didier Grumbach, président de la fédération française de la couture et du prêt-à-porter des créateurs. "Cette femme avait un style tout à fait à part dans sa façon de s'habiller comme de regarder les lieux", a poursuivi M. Grumbach. Son lien avec le monde de la mode a éclaté quand elle est devenue directrice artistique de "Créateurs & Industriels", société fondée par M. Grumbach. "C'était une plateforme de rencontre entre créateurs et industriels à une époque où les stylistes ne signaient pas encore de leur nom leurs collections", a-t-il expliqué. "Elle avait une admiration pour les talents qu'elle découvrait et en même temps avait la faculté de les rassurer", a-t-il ajouté. De cette aventure a éclos une nouvelle génération de talents comme Claude Montana, Thierry Mugler, Issey Miyake, Jean-Charles de Castelbajac....  Elle a aussi imaginé "le premier concept-store qu'on avait ouvert rue de Rennes".

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