Des Matisse pour faire rêver les détenus de Maubeuge
Les œuvres ont été prêtées par le Musée départemental du Cateau-Cambrésis et sa conservatrice, Dominique Szymusiak, est venue les présenter devant une trentaine de détenus réunis dans le gymnase de la prison.
Elle raconte comment l’artiste français a inventé la technique des papiers gouachés, découpés et collés pour représenter des scènes joyeuses de cirque, de fête, de contes et de lagons tahitiens, aux timbres vifs et violents, qui contrastent avec les murs gris de la prison.
Matisse nourrit le rêve
"Regardez cette scène de cirque ! Cette forme noire qui semble en mouvement, c'est l'acrobate. Et là, Icare, qui tombe dans la nuit étoilée, comme un grand oiseau, en apesanteur", lance Dominique Szymusiak. "Matisse laisse tomber ses pinceaux et peint avec des ciseaux, en découpant des morceaux de couleurs. Jamais un artiste n'a été aussi loin dans la couleur: il restitue le plus beau bleu, le plus beau blanc", s'exlame-t-elle.
Mais surtout, poursuit la conservatrice, "Matisse est là pour vous donner envie de rêver. Il vient nourrir le rêve, après c'est à vous de partir dans votre imaginaire".
"Le rêve, c'est l'espoir !" lui répond un détenu enthousiaste.
Un détenu : « Je m’évade dans ma tête »
"Ce qui est bien avec Matisse, c'est qu'il a beaucoup d'imagination", pour Hamid, emprisonné "pour un petit moment" encore. Il dit en avoir "besoin: je m'évade dans ma tête, ça me transforme et me permet d'aller de l'avant".
"L'art, c'est la liberté", assure Dominique Szymusiak. "Il ouvre les portes de l'imaginaire, de la créativité. Matisse a voulu faire connaître un peu de la fraîche beauté du monde, selon ses propres mots. Il apporte de la joie, du bonheur. Alors allez-y, prenez-le !" lance-t-elle, avant de distribuer aux détenus des cartes postales reproduisant les oeuvres.
Un monde à découvrir
"A la base, les musées, ce n'est pas mon truc. Mais j'ai trouvé ça très beau: Matisse nous a fait entrer dans son univers, nous a permis de rêver. Je ne regarderai plus un tableau de la même façon", se réjouit Eric, 47 ans. Il prendra le temps d'aller au musée à sa sortie: "Il y a tout un monde à découvrir."
Francine Auger-Rey, qui anime depuis juin 2010 un atelier radio avec les détenus, approuve. "Il faut que les détenus puissent voir des oeuvres. Cela fait appel à ce qui est inaliénable en eux: la liberté intérieure. C'est avec elle que nous voulons entrer en contact. Grâce à elle, vous n'êtes pas seul, quelle que soit la situation d'oppression", souligne-t-elle.
Jusqu'au 27 septembre, les quelque 500 détenus de la prison de Maubeuge pourront admirer les vingt planches issues du livre "Jazz", illustré par Matisse entre 1943 et 1944, et publié par son ami et éditeur d'art Tériade en 1947. Fait inédit, ce sont les originaux qui sont exposés. "L'endroit est particulièrement sûr", sourit Dominique Szymusiak.
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