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Combas, peintre punk

Couleurs criardes, personnages tordus et grimaçants, monstres braillards, dégoulinures… le temps d’une grande rétrospective du 24 février au 15 juillet, Robert Combas, l'artiste français le plus vendu au monde, expose ses "plus grands tubes" au Musée d’art contemporain de Lyon. 

Article rédigé par Pierre Morestin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Robert COMBAS, 2010. (© PHOTO HARALD GOTTSCHALK)

Couleurs criardes, personnages tordus et grimaçants, monstres braillards, dégoulinures… le temps d’une grande rétrospective du 24 février au 15 juillet, Robert Combas expose ses "plus grands tubes" au Musée d’art contemporain de Lyon. Un souffle rock qui donne toujours du "feeling" à l’art contemporain.

Robert Combas n’est pas né à Liverpool, mais à Sète, en 1957, dans une famille d’ouvriers. Ses premiers dessins ? De grandes fresques épiques, des scènes de guerre et des portraits de rockers gribouillés dans ses cahiers… ou à même les tables de l’école ! Aux Beaux-arts de Sète puis de Montpellier, l’étudiant finit par étouffer, et revient à ses amours d’enfance : le graffiti. Volontairement naïf, son style se précise, jusqu’à aboutir à ses drôles de personnages cernés de noir qui caractérisent ses œuvres à mi-chemin entre l’art du vitrail… et la bande dessinée.

Lié d’amitié depuis l’adolescence avec Hervé Di Rosa, un autre Sétois, il crée avec lui et deux autres compères, Rémi Blanchard et François Boisrond, un mouvement qu’ils appellent la figuration libre. Figuration libre ? Kezako ? L’artiste Ben, qui exposera les jeunes artistes, explique que la figuration libre, c’est être "Libre de faire laid / Libre de faire sale / Libre de préférer les graffitis de métro de New York aux tableaux du Guggenheim (…)".  Et Combas d’ajouter : "La figuration libre, c’est faire ce qu’on veut le plus possible, le plus personnellement, le plus librement." Bref, à l’aube des années 80, puisant dans l’énergie du punk rock, Combas et ses compères réussissent à créer une forme d’expression picturale nouvelle, populaire et spontanée qui a toujours la cote. Combas est d’ailleurs actuellement le peintre français le plus vendu au monde, selon un classement réalisé par le site Artprice.

Piocher dans l’art populaire

BD, livres d’images, publicité, cinéma, séquences télé, rock… Très vite, Combas fait entrer ses références issues de sa culture populaire dans sa création. Ici, par exemple, Tintin, Mickey et le capitaine Haddock (devenus Tintaine, Nickey et le capitaine Hard Rock) s’invitent dans la toile. Déjà, en 1979, l’artiste peignait la souris fétiche de Disney et laissait cette inscription : "Mickey n’est plus la propriété de Walt, il appartient à tout le monde". Un pied de nez à l’art "sérieux", car au début des années 80, en France, ce sont des artistes conceptuels ou abstraits bien moins amusants qui tiennent le haut du pavé.

Robert COMBAS, Tintaine et Nickey ont volé la pipe du capitaine Hard Rock ! C’est dégueulasse ! , 2009, Acrylique sur toile – 95 x 135 cm, Collection de l'artiste, Paris, Collection de l’artiste. (© ADAGP, PARIS, 2012)

Combas et les autres artistes de la figuration libre ne sont pas isolés dans leur démarche. Jean-Michel Basquiat ou Keith Haring (pour les plus connus), reviennent un peu plus tard à la création spontanée, au graffiti. 

Mais ce qui fait la spécificité de Combas, c’est un goût certain pour la profusion des détails… et une ironie teintée de poésie. Lorsqu’il peint des gladiateurs se déchirant dans une arène, dans un tableau croulant sous les lances et les glaives, il titre sobrement : "Joli spectacle équestre romain" !

Robert COMBAS, Joli spectacle équestre romain, 1987. Acrylique sur toile - 220 x 300 cm, Collection Laurent Strouk, Paris. (© ADAGP, PARIS, 2012)

Certains de ses sous-titres (rédigés dans une orthographe souvent aléatoire de faux cancre) sont d’ailleurs des œuvres à eux tout seuls. Exemple avec le saut de l’ange,ci-dessous, légendé : "Il plonge ? Il tombe ? Je ne sais pas. Déjà de ses bras poussent des plumes, dans l’immensité d’un ciel tourné au blanc plein de scintillement. Un éternel plongeon comme dans nos rêves de plomb, où le crash n’existe pas (toujours délivrés par nos sens réveillés). Une pluie de pensées féminines, d’érotismes exacerbés, de seins parfaits, de corps devenus cintrés, de sado mazés, martèle le cerveau de leur efficace sérénité. Le genre de songe à se réveiller l’entrejambe poisseux du liquide qui est fait pour construire les bébés et qui maintenant sur les cuisses commence à sécher."

Robert COMBAS, Le saut de l'ange, 2010. Technique mixte sur toile - 175 x 191 cm. Collection particulière. (© ADAGP, PARIS, 2012)

Faire vibrer la peinture

L’enfant terrible de la figuration libre fait régulièrement figurer des musiciens dans ses œuvres : rockers fous, fanfare... mais il invite aussi ses peintures dans ses concerts. Pour ce touche-à-tout, peinture et musique sont indissociables. Depuis 1978 et la création du groupe Les Démodés (fondé avec sa compagne, Catherine Brindel, et Richard di Rosa, le frère d’Hervé) il a participé à plusieurs projets transversaux. Le dernier en date, Les Sans Pattes se donne en concert sur fond de projection de toiles colorées. Un peu comme, à une époque, le Velvet Underground. Le groupe donnera quatre concerts le temps de l’exposition du MAC de Lyon.

Les Sans Pattes (Robert Combas, Lucas Mancione et Pierre Reixach), 2011. Concert, Sète, juillet 2011. (© OLIVIER KOWALSKI)

Improviser sans filet

Une autre particularité du travail de Combas, c’est qu’il laisse sa chance au hasard, à l’imprévu. Une de ses techniques consiste par exemple à laisser sa peinture dégouliner pour créer de longues coulures multicolores. Cernées de noires, elles découpent la toile en bandes verticales. Pourquoi créer ces longues traces ? "Parce qu’elles évoquent les rideaux en plastique qu’on trouve dans le Sud de la France", explique l’artiste. Mais aussi parce qu’elles lui permettent de sortir d’un style très illustratif pour travailler directement dans la couleur, en faisant passer le sujet au second plan.

 

Robert COMBAS, À l’aise Blaise, 1992. Acrylique sur toile - 30 x 30 cm. Collection Geneviève B. (© ADAGP, PARIS, 2012)

Combas improvise sur d’autres thèmes. Un temps, par exemple, il s’est amusé à détourner des dessins anatomiques d’étudiants des beaux-arts dénichés dans des brocantes. Une manière de faire un nouveau pied-de-nez à l’enseignement académique trop rigide à son goût. Il fait aussi des clins d’œil à certains de ses maîtres, comme l’un des géants de la couleur, Henri Matisse. On retrouve ici une jeune femme qui évoque les nombreuses odalisques du maître… tandis que des personnages rouges créent une farandole qui rappelle La Danse, l’une de ses œuvres les plus célèbres.

 

Robert COMBAS, Hommage à Matisse et à Maïté, 1987. Acrylique sur toile - 244 x 343 cm. Collection Lambert en Avignon, Avignon. (© ADAGP, PARIS, 2012)

L’exposition lyonnaise va permettre de voir l’artiste improviser : idée géniale, le Mac a créé un atelier au cœur-même de l’expo. Combas y peindra, sous l’œil des visiteurs et, nous assure-t-on, sortira même parfois pour dialoguer avec le public !

Infos pratiques :

Musée d’art contemporain
Cité internationale
81 quai Charles de Gaulle, à Lyon
Tél. : 04 72 69 17 17

www.mac-lyon.com

Du mercredi au vendredi : de 11h à 18h
Samedi et dimanche : de 10h à 19h
6 euros / 8 euros
Gratuit pour les moins de 18 ans

A lire :

Le catalogue de l'exposition : Greatest Hits, Robert Combas, collectif, éd. Somogy, 408 p., 45 euros. Ce beau livre au look de pochette de vinyle est riche en illustrations (plus de 500 reproductions). Surtout, il donne la parole à des auteurs innattendus : le philosophe Michel Onfray, le parolier du groupe Bijou (Jean-William Thoury) ou le critique rock Stéphane Davet. 

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