Avignon : Les oeuvres en sucre, chocolat et diamants de Vik Muniz
Art initiatique
"Il réinterprète des oeuvres" souvent très connues dans l'imagerie populaire, créant "un monde à la fois familier et différent de l'original", explique le galeriste d'art contemporain Yvon Lambert de l'hôtel de Caumont, où se tient l'exposition jusqu'au 31 mai. "Il a envie que les gens s'intéressent à l'art, et nous aussi", ajoute-t-il.
Ce "musée imaginaire" qui se veut à la portée "du directeur comme du gardien", confie, en français, l'artiste, venu présenter son travail à l'occasion de la première grande rétrospective qui lui est consacrée en France.
"Je ne viens pas de ce monde-là. La première fois que mes parents sont entrés dans un musée, c'était pour voir une de mes expositions, je garde toujours ça en tête et n'imagine jamais un public spécialisé", poursuit-il, regrettant "une espèce d'élitisme" de l'art contemporain.
Une vie comme un roman
Né en 1961 dans une famille modeste de Sao Paulo, sous la dictature militaire, "A l'âge où les enfants arrêtent d'être artistes et abandonnent le rapport
direct au monde visuel à force d'être exposés au langage écrit, moi j'ai commencé à dessiner. J'étais l'enfant qui faisait les caricatures de profs, les affiches de l'école", confie-t-il. A 14 ans, une bourse lui permet d'étudier le dessin, le soir après les cours. Il apprend l'art loin des musées, via des reproductions dans des
magazines, où les couleurs tantôt criardes tantôt passées lui donnent le goût des images à multiples facettes.
Mauvais élève, le Brésilien abandonne vite les études, pour la publicité. Jusqu'au jour où il croise le chemin d'un "type très riche", dont il sauve la vie lors d'une bagarre. "Il m'a acheté un billet d'avion pour aller aux Etats-Unis, je devais y rester six mois pour apprendre l'anglais, depuis je n'ai plus quitté New York".
Entre "mille petits boulots", il tâtonne et peu à peu met au point la méthode qui fera son succès: projeter une oeuvre sur le sol avec un vidéoprojecteur, la reproduire avec des matériaux solides ou liquides, et enfin photographier l'installation.
Des matériaux hétéroclites
Parmi les 110 oeuvres exposées à l'hôtel de Caumont, figurent des portraits d'enfants en sucre, Pollock et Freud en chocolat, des prisons imaginaires en épingles et fils, une Joconde en confiture, les divas d'Hollywood en diamants, des monstres en caviar...
L'apparente simplicité cache souvent des prouesses techniques. Pour "La Japonaise" d'après Claude Monet, Vik Muniz raconte avoir manié le pigment rouge, "véritable poison", avec masque et gants pendant six mois. Là, "cela fait deux ans que j'essaie de faire une image en acier liquide. La température
est si élevée qu'il faut photographier à travers un miroir très épais", souligne l'artiste.
Dans un registre social, une salle permet de découvrir les portraits de trieurs de détritus dans une immense décharge à ciel ouvert de Rio, réalisés par les intéressés eux-mêmes avec des capsules de bouteilles, vieux plastiques et autres déchets. Une aventure racontée dans le documentaire "Waste Land",
nommé aux Oscars et projeté à Avignon.
A découvrir aussi, du haut d'une passerelle installée dans l'église des Célestins, un paysage de branchages, fleurs séchées et aromates, sur le modèle d'un chef d'oeuvre de Van Gogh.
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